Derrière ses lunettes rondes, Lomig Perrotin ressemble à un adolescent : à mi-chemin entre le geek et l’inventeur fou. Comment pourrait-on deviner qu’il est ce créateur incroyable, l’unique salarié de l’entreprise Film Washi qui fabrique et commercialise partout dans le monde ces films référencés par des lettres de l’alphabet? « J’ai souvent tendance à résumer mon travail en disant que « c’est comme Kodak, sauf que je suis tout seul ! » ». Il se confiait au magazine Lomography le 17 mai 2016 :
« Comment t’es venu l’idée ? A l’époque je travaillais sur un projet d’exposition de cliché-verre , une technique consistant à gratter le négatif pour obtenir une image mixte, mélangeant photographie et dessin. J’ai alors pensé qu’un négatif papier serait plus facile à travailler et j’ai commencé à expérimenter dans cette direction. Dès les premiers tests j’ai découvert une esthétique qui était en soit intéressante et c’est devenu un projet à part entière. Après avoir testé plusieurs type de papiers j’ai arrêté mon choix sur le papier japonais « Washi » car il offrait à la fois une bonne transparence du négatif, une excellente résistance à l’eau et de très belles fibres qui apportent une touche unique aux images.
J’ai donc commencé à explorer ce nouveau projet, d’abord de manière personnelle, puis petit à petit d’autres photographes ce sont intéressé à mes films artisanaux et en 2013 j’ai commencé à les vendre officiellement. Honnêtement je ne pensais pas que cela deviendrait un jour mon activité à plein temps ! »
Lomig travaillait chez Nation Photo. Film Washi se base sur l’adaptation moderne d’une des plus anciennes techniques photographiques : le négatif papier ou Calotype de William Henry Fox Talbot (voir encadré plus bas).
Film washi est aujourd’hui la plus petite entreprise de fabrication de film et la dernière à produire des films en France (St Nazaire). Cocorico!
En couchant une gélatine photo-sensible sur un papier traditionnel japonais, le Washi, Lomig a créé un nouveau type de film. Après plus d’un an de tests, la commercialisation à commencé fin 2013 et les films sont aujourd’hui distribués dans le monde entier (y compris chez lomography). Facile à manipuler et à développer, les films Washi sont conditionnés aux formats classiques de la photographie argentique : 120, ou 4×5, mais aussi sur mesure, permettant ainsi au plus grand nombre de découvrir ce film.

Cathédrale de Chartres par le lomographe wufnir
Après le lancement des films Washi « W », la petite entreprise a élargit sa gamme de produits en proposant à ses clients une gamme de pellicules 35 mm sur support polyester, fabriquées en Europe et initialement destinées à un usage audiovisuel ou aérospatial. Elles sont roulées et conditionnées manuellement en cartouches recyclées afin de permettre au grand public de les découvrir.
Le recyclage fait partie intégrante du processus de fabrication de Lomig. Intéressant non? Pour des raisons économiques, mais également par philosophie : l’industrie photographique argentique produit beaucoup de déchets, bobines, papiers protecteurs, appareils jetables, etc… Etant une petite entreprise, il a la flexibilité suffisante pour exploiter efficacement cette matière première et fabriquer de nouveaux films.
Le calotype (du grec kalos, beau et typos, impression), ou calotypie, est un procédé photographique inventé par William Henry Fox Talbot et breveté en 1841. Il permet d’obtenir un négatif papier direct et donc la possibilité de reproduire des images positives par simple tirage contact. Le procédé négatif-positif deviendra la base de la photographie argentique moderne. Pour préparer le support photosensible qui sert au négatif, on enduit une feuille de papier à lettres glacé d’une solution de nitrate d’argent. Une fois sèche, on la plonge dans une solution d’iodure de potassium. Il se forme alors de l’iodure d’argent. La feuille peut être ensuite lavée à l’eau et séchée pour être stockée à l’abri de la lumière. Pour faire une épreuve, il faut finir de préparer le support photosensible. La feuille de papier recouverte d’iodure d’argent est enduite d’un mélange d’acide gallique et de nitrate d’argent, que Talbot appelait « gallo-nitrate d’argent ». La feuille est utilisée sèche ou encore humide dans la chambre noire. La durée de l’exposition varie de quelques secondes à quelques minutes, suivant l’éclairage et la couleur du sujet photographié. Après l’exposition, l’image est développée dans du gallo-nitrate d’argent, fixée avec une solution chaude d’hyposulfite de soude, puis lavée à l’eau, séchée et cirée. |
J’ai eu la chance d’échanger de nombreuses fois avec Lomig. Il me racontait alors ses débuts dans le placard de son appartement parisien et puis ses voyages pour les salons photo. Depuis, j’ai aussi collaboré avec lui et avec des étudiants chimistes sur des nouveaux projets de films (chuuuut ! confidentiels!).
Avec plus de 25 000 films vendus depuis sa création, Film Washi reste le petit poucet de l’argentique et ne se positionne pas en concurrence mais plutôt en complément des grands producteurs de films, afin d’offrir aux photographes une approche différente de la photographie argentique. Le drame serait qu’Ilford ne fabrique plus la gélatine sensible dont il a besoin. Les produits Film Washi sont aujourd’hui disponibles chez plus de quarante distributeurs, en France, en Europe et ailleurs dans le monde.
Pour toutes demandes d’informations ou questions sur la société et ses produits, vous pouvez le contacter directement par e-mail.
Le film Washi « W »
Le papier traditionnel Tosa Washi (Kozo) est fabriqué par Moriki au Japon. Tous les films Washi W, du format 120, 620 et 4×4, sont fabriqués à la main. Le conditionnement de ces films fait qu’il est donc possible de les utiliser sur tout appareil standard. Très sensible au bleu, peu sensible au vert et insensible au rouge, ce film donne les meilleurs résultats en portrait, nature morte ou photographie urbaine. Le Film « W » 25 est disponible en plan-film, 35mm, mais aussi 120 et 620. Retrouvez la documentation technique des films W ici.
Le film « W » est de sensibilité 25 iso et orthochromatique.
Ce papier offre l’alliance de grandes qualités techniques avec l’esthétique exceptionnelle de ses longues fibres entremélées. Il est à la fois souple, solide et transparent.

Film Washi W 120 – Rolleiflex
Le film Washi W est orthochromatique. C’est-à-dire qu’il est possible de manipuler le film sous un éclairage inactinique! Si vous ne savez pas ce que c’est, allez faire un tour sur l’article : Sténoflex. Cette pellicule se développe dans un révélateur pour papier noir et blanc (comme le Ilford PQ Universal ou le Tetenal Eukobrom). De par son caractère artisanal, et afin d’assurer une conservation optimale du négatif, le Film Washi doit être longuement et abondamment rincé à l’eau froide.

Pellicules Washi pack de 12 feuilles – 4×5 inches 34,90 euros chez lomography
Le négatif ainsi obtenu peut ensuite être tiré par contact ou à l’agrandisseur (voir article dédié pour le W et le V), mais aussi être numérisé à l’aide d’un scanner approprié. Seul un tirage traditionnel ou un scan en transparence permettent d’exploiter à fond les possibilités du Washi, une numérisation simple donne un aspect gaufré et surexposé à l’image. Retrouvez le mode d’emploi sur le site de lomography.
Petit détail sympa : le développement en lumière inactinique du Film W permet de voir la photo apparaître sur le film. Génial non?

développement maison du « W » 35 mm
Lors d’un apéro Dans Ta Cuve, Lomig nous a même raconté comment il s’était fabriqué des lunettes fabrication maison pour travailler dans le noir avec aisance sur ces films panchromatiques. Suivez-le sur le groupe Facebook Films Washi.

« L’année 2016 commence bien avec une nouvelle paire de lunettes infra-rouge fabrication maison, nettement plus confortable, pratique et moins lourde que les précédente… Un vrai bonheur! »
En attendant, voici un petit résumé des derniers films que j’ai déjà testés! 😉
Washi W B&W 25 iso
Le film « W », emblématique du succès de Lomig est aujourd’hui disponible en format 35 mm perforé mais aussi en 120 et différents formats de plan film. Il est possible de le développer chez vous, en cuvette, comme du papier! Je l’ai testé en 120 (développé chez Nation Photo) et aussi en 35 mm (développé par mes petites mains). Rien que pour cette expérience unique, je vous conseille de le tester. Sa sensibilité faible et son fort contraste ne vous permettra pas de le tester dans toutes les conditions. Préférez des environnements très éclairés et avec peu de contraste car c’est un film très contrasté. L’image sera également très texturée. Les images ci-dessous ont été prises avec un Rolleiflex tout manuel et le film 120.
Mon verdict? 14,50 euros la pellicule de 16 poses chez Nation Photo. C’est chère mais c’est le prix des effets artistiques. Le film W existe en 135 et en 120, mais également en plan film. Il est orthochromatique et peut se développer en « cuvette » avec une lumière rouge comme du papier photo. Il donne un effet extrêmement texturé à vos photos. Encore une pellicule incroyable avec un rendu artistique unique.
Washi A B&W 12 iso
Entièrement fabriquée à la main par Lomig Perrotin et par petites séries, la pellicule Washi A est unique. Au même titre que les autres films expérimentaux qui composent la gamme de la marque, la pellicule Washi A est roulée et conditionnée à la main sur des bobines recyclées. Cette pellicule 12 ISO produit des contrastes prononcés et était à l’origine utilisée comme protection pendant le processus de reproduction des Motion Picture Films. « A » est un film noir et blanc utilisé comme amorce et protection pour la copie des films de cinéma. Il est sensibilisé afin d’enregistrer des données techniques et offre un grain fin et un très fort contraste. A l’ombre, pour éviter le voile via l’amorce : prendre 3 vues vides avant de commencer le film. Attention à l’excès de contraste sur les photos en extérieur, les ciels étant facilement sur-exposés. En intérieur ce film est très peu sensible à l’éclairage type tungstène : il vaut mieux utiliser la lumière naturelle.
Mon verdict? 3,90 euros la pellicule de 36 poses chez Nation Photo. Le film A est assez difficile à maîtriser. Je ne m’avoue pas vaincue et je vais retenter prochainement de faire plusieurs essais …
Washi S B&W 50 iso
« S » est un film utilisé par les professionnels du cinéma pour l’enregistrement photographique des bandes sons, ce qui exige une très grande définition rendue possible par une couche anti-halo spécialement située entre le support du film et l’émulsion, et non en dorsale comme sur les films classiques. Je suis assez fan du résultat. Le contraste est tellement fou que l’on dirait que les images sont dessinées au fusain.
Si cela vous intéresse, je vous conseille de suivre le travail de Jean-Benoît Ambrosini remarquable pour l’utilisation de ce film très contrasté.
Mon verdict? 4,50 euros la pellicule de 36 poses chez Nation Photo. Le film S donne vraiment un style particulier aux photos : de l’extrême contraste ! A tester obligatoirement, surtout si vous cherchez un film pour des effets artistiques particuliers.
Washi F B&W 100 radiofluorographique
« F » est un film de radiographie médicale spécial utilisé pour les diagnostics de maladies pulmonaires, c’est la première fois que ce type de film est disponible en format 135. Un film vraiment unique qui, n’ayant pas de couche anti-halo, offre un effet de diffusion très fort et un grain très marqué. Il faut penser à charger les 135 à l’ombre et prendre 6 vues vides avant de commencer les prises de vues. Les films 120 se chargent normalement. Cartouche 135 recyclées (sans code DX) – 24 exp. L’effet de diffusion peut varier en fonction de l’angle de l’éclairage et est beaucoup plus marqué en 135 qu’en 120. Beaucoup de photographes le poussent à 400 iso et ce film fonctionne très bien. Retrouvez plus de photos et d’explications dans l’article dédié.
Washi Z B&W 400 iso proche infrarouge
Le film « Z » est une pellicule au fort contraste et proche infrarouge. Contraste et grain! Elle a une bonne sensibilité au rouge mais offre aussi de jolis nuances pour shooter de la végétation, puisqu’elle est proche infrarouge. Pour augmenter l’effet infrarouge, si vous voulez shooter de la nature, je vous conseille même de rajouter un filtre rouge. Elle est facile à utiliser grâce à son iso élevé de 400, donc assez passe-partout. Pas de code DX pour cette pellicule enroulée à la main dans une cartouche recyclée. Si elle vous intéresse, je vous invite à lire mon article dédié : Washi Z 400 iso.
Mon verdict? 12,90 euros la pellicule de 24 poses chez lomography. Et seulement 7 euros chez MX2! Je suis carrément fan de cette pellicule mais pourquoi es-tu si chère??? J’en achèterai des kilos tonnes sinon.
Washi D B&W 500 iso « Sputnik »
Encore un film noir et blanc! La pellicule noir et blanc Washi D 500 iso « Sputnik » est un film panchromatique très fin (attention il peut se voiler à la lumière rouge) destiné normalement à la surveillance aérienne. Elle vous donnera un grain fin avec beaucoup de contraste. C’est un film totalement expérimental et lui aussi enroulé à la main dans une cartouche recyclé. Vous obtiendrez plus de nuances de gris quand même que la washi Z. Quoique. En tout cas un grain plus fin c’est sûr. Pas de code DX sur cette pellicule non plus, donc choisissez bien votre appareil photo.
Mon verdict? 11,50 euros la pellicule de 36 poses chez lomography et allez savoir pourquoi seulement 7 euros chez MX2. Le film D est très cool : du contraste et de la finesse! Mais franchement un peu cher. Moins original que le Z. Ok enroulé à la main tout ça tout ça… mais un peu cher.
Washi X couleur 400 iso sans masque (épuisé)
Lomig PERROTIN propose une multitude d’autres pellicules, mais peu de films couleur. Vous ne trouverez malheureusement plus cette pellicule couleur couchée sur une base polyester (et non papier Washi), 400 iso « sans masque ». Le grain est prononcé et les contrastes aussi. Elle peut être développée comme une diapositive en E6 ou comme une pellicule négative en C41. Vous pourrez choisir à la dernière minute ce que vous préférez. Le développement en E6 permet d’avoir des couleurs plus contrastées. Pas de code DX pour cette pellicule, donc il faudra choisir un appareil avec réglage manuel des iso. J’ai testé pour vous en développement C41!
Mon verdict? Pour 12,90 chez lomography (mais épuisé), le film X est très sympa. J’ai beaucoup aimé le rendu des couleurs. Aussi explosives que sur la pellicule Color implosion que j’avais testée dans les nouvelles pellicules. J’adore! Le grain n’est finalement pas si prononcé que ça.
Washi V B&W 100 iso
C’est la petite sœur de la W. Film plus solide et plus transparent aussi. Vous obtiendrez un rendu plus fin car sa sensibilité est plus élevée et sa latitude plus importante. Impossible de la développer en cuvette : celle-ci est panchromatique. Vous pourrez néanmoins la développer chez vous en cuve Paterson si vous vous munissez du kit de développement de Film Washi : une bobine spéciale et une bande gaufrée qui permet au papier de rester en place et de ne pas se déchirer. Ce film se tire très bien à l’agrandisseur. Un grand coup de cœur. Pour en savoir plus : c’est ici.

Film Washi V 100 iso format 120 – lomo LC-A 120
Les autres films à essayer…
Chez Film Washi, il y a plein de nouveaux films à essayer! Le film A 12 iso à très forts contrastes … Lomig nous réserve encore plein de surprises. Pour en savoir plus, venez le rencontrer à La Foire Internationale de la Photographie à Bièvres !
Pour aller plus loin…
Intéressé par cette curieuse entreprise? Voici une conférence de Lomig « Fabriquer du film aujourd’hui ou l’impossible obsolescence » au Salon de la photo 2014.