
Angel Pion est photographe sur la Côte d’azur. Je souhaitais qu’elle inaugure cette nouvelle rubrique d’interview de photographes. Merci à toi Angel. Son obsession, c’est l’expression des sentiments, qu’ils soient discrets ou expansifs. Et c’est avec son appareil photo qu’elle a choisi de les retenir en mémoire et de les dévoiler. Suivez la sur Facebook, Twitter, Instagram, Google +…
Nous nous sommes rencontrées à Villefranche/mer pour l’enterrement de vie de jeune fille de mon amie Mélanie. Pour cette occasion, nous avions organisé un shooting photo avec les filles sur la plage. Angel a été parfaite de professionnalisme et de gentillesse. Gérer un groupe de douze filles : il fallait être patiente ! Elle nous a bluffées par sa créativité et ses bonnes idées pour nous prendre en photo sur un jour naturel et spontané. Ces photos sont le reflet de notre week-end : rire, connivence et complicité. Mais découvrez plutôt : une personne vraie…
- Bonjour Angel, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions! Peux-tu te présenter s’il te plaît ?
Bonjour Carine, je suis ravie et honorée de répondre à tes questions. Je suis Angel, j’ai 40 ans, je suis mariée et maman de 2 enfants. J’habite Cannes sur la côte d’azur mais je ne fais pas de photos sur le tapis rouge du festival ^^. J’aime la cuisine italienne et asiatique, enfin la manger, car je n’ai pas de grands talents de cuisinière 🙂 Je ne vis pas une journée sans musique, avec une préférence pour la musique electro, jazz, et soul. Et puis ce que j’aime par dessus tout, c’est rencontrer des gens, aussi différents qu’ils puissent être, découvrir ce qu’ils sont.
- La photographie est ta manière à toi de révéler l’expression des sentiments de ceux que tu photographies. Peux-tu nous expliquer depuis quand tu aimes la photographie et qu’est-ce qui t’y a amené ?
En fait aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait un peu de photo. Ma mère ayant un Canon A1, c’était naturel dans la famille. J’ai même suivi des cours photo au collège avec un prof d’arts plastiques. Mais ce n’était pas une révélation, plus un amusement.
A l’âge de 15 ans, dans un magazine, je suis tombée amoureuse d’une photo intégrée à une publicité, le baiser d’Elliot Erwitt.

Le baiser d’Elliot Erwitt
Ca m’a rendue complètement accroc aux publicités magazine des grands couturiers. Des images réfléchies, léchées, colorées, avec une vraie esthétique, un vrai pouvoir attractif. Je les arrachais des magazines pour les stocker, rangées dans des classeurs. L’Image me plaisait. Finalement, c’est vraiment à ce moment là que la photo est entrée dans ma vie.
J’ai cherché un moment l’art qui me plaisait le plus pour créer des images.
Je me suis essayée à la peinture et aux pastels, mais il fallait une grande technique, le travail était long pour avoir un résultat pouvant correspondre à ce que je voyais. L’appareil photo s’est imposé comme l’outil adapté à ce que je voulais, rapide et instantané.

Angel Pion Photographe
Début 2000, les appareils photos numériques arrivaient en force dans les familles. Pour mon travail, j’étais équipée d’un petit comptact, avec une belle fonction macro. Je me suis rapidement passionnée pour le monde minuscule de mon jardin. Les insectes, les plantes, les pollens, tout était mystérieux et magique. Les photos mettaient en évidence des couleurs, des matières, un monde que l’on imagine même pas au quotidien.
Petit à petit avec mon nouveau bridge, j’ai fini par tout photographier autour de moi, tout était « photographiable » et possédait un vrai intérêt.

Angel Pion Photographe
En 2006, après l’achat de mon premier reflex, j’ai commencé à lire, à développer ma technique, à partager mes images sur des forums photo, et j’ai beaucoup photographié. Plus je partageais, plus j’essayais, plus j’avais envie d’en faire mon métier.
La passion m’avait envahie, la lumière était devenue ma drogue.
Comme happée, je n’ai plus arrêté de photographier, avec l’envie d’aller toujours plus loin, de faire encore mieux. En 2010, j’ai réalisé le reportage de mariage d’amis de la famille, j’ai ressenti les sentiments chez les autres au travers de mon appareil photo. Les capter, et voir la joie, les émotions que ça procure chez les autres lorsqu’on leur montre, c’était la révélation. Je me suis lancée cette année là.

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- Est-ce qu’il y a des choses que tu trouves difficile dans ton travail? Et qu’elles sont les choses que tu apprécies par-dessus tout ?
Si on parle de photographie pure, il n’y a pas de difficultés particulières, mais simplement nous sommes tous confrontés à notre insatisfaction en regardant nos images. C’est du à un manque de connaissances et de pratique. Nous devons passer par ces obstacles pour progresser, se dépasser, pour aller toujours plus loin. C’est un cheminement sans fin, nous cherchons toujours à obtenir de meilleures photos. Cela nous oblige à sortir de notre zone de confort, et trouver des solutions ou même envisager un résultat différent. D’ailleurs, obtenir le résultat que l’on souhaitait malgré les complexités, c’est une grande satisfaction.
Maintenant, si on parle du métier de photographe indépendant, oui il y a des difficultés, qui sont liés au marché, à notre environnement, et aux barrières que l’on se met. Elles sont différentes pour chacun, en fonction de sa personnalité, son caractère, son expérience et des objectifs que l’on se pose.
Il faut rester très réaliste, le marché est sursaturé de photographes pro en activité principale et secondaire, de photographes amateurs à la recherche de reconnaissance, n’hésitant pas à brader leurs images.
Le monde de la photographie est comme un méli-mélo de différents microcosmes (photo sociale, éditoriale, journalistique, sportive etc), ayant chacun ses propres règles, ses propres codes, ses propres communautés. Quant on prend un peu de recul, je comprends la confusion des clients face au métier de photographe.

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Pour le coté positif, il y a vraiment deux choses que j’apprécie par dessus tout. Tout d’abord lorsque les photos sont telles que je le souhaite parce qu’en amont tout à bien été préparé et que toutes les conditions étaient réunies.
C’est une réelle satisfaction de voir sa vision d’esprit, ce que l’on avait imaginé apparaitre sur un écran, surtout lorsqu’elle est partagée par mes clients.
Et puis, il y a la connexion que j’ai avec les personnes que je photographie. D’ailleurs, j’ai du mal à dire mes « clients », parce que ce que je vis avec eux, ce que je partage va bien au delà d’une simple relation prestataire-client. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils sont mes amis, mais je me livre sans détour, je montre qui je suis réellement, ça invite à la réciprocité. A chaque fois, il se passe quelque chose, on s’attache les uns aux autres d’une certaine manière. C’est une belle relation qui s’installe à chaque séance et qui n’a pas de nom.
Et même si au final, je crée leurs souvenirs, ils sont aussi mes propres souvenirs.
Ils font partie de ma vie. Je garde en mémoire des émotions que j’ai vécue lors de mariage ou de séance, et il m’arrive parfois d’être émue lorsque je revois des photos rangées au fond de mon disque dur.

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- Dans ce blog, on parle d’appareils photos argentiques ou numériques qui ont une âme. Quel a été ton premier appareilphoto? Peux-tu nous raconter son histoire ?
Le tout premier, celui de mon enfance, un Kodak instamatic 233, avec le petit « clac » du déclencheur. Je ne sais pas d’où il vient, ou qui l’a acheté, mais c’est un souvenir qui me donne le sourire : la texture du boitier, le bruit du déclencheur, la molette pour passer à la pose suivante, le flash en cube, et la pellicule en forme de jumelle (lol).
Je me souviens même prendre les photos sans pellicule pour m’amuser. En fait c’est le jouet de mon enfance 🙂
Etrangement, je me souviens d’une photo que j’ai faite, vers l’âge de 7 ans en vacances d’été. J’ignore si on l’a gardé.
En 2006, pour le passage au reflex numérique, j’ai eu un 400D avec le kit 18-55 et 55-200. Je le considère en fait comme mon 1er appareil photo. C’est grâce à lui que j’ai réalisé les photos magiques de mes vacances au Maroc, et tous les souvenirs de ma famille. Je l’ai gardé jusqu’en 2010 où je suis passée au 5dm2. Un cap.

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- J’ai cru comprendre que tu faisais pas mal de formations, de workshop. Est-ce qu’il y a des choses que tu aimerais améliorer dans tes techniques photographiques? Quel est le workshop qui t’a le plus marqué ?
Je participe à des formations, des workshops, en effet. En 2015, j’en ai fait 5, avec des orientations différentes, elles n’ont pas toutes pour objectif la technique photo.
En tant que photographe indépendant, je suis aussi entrepreneur, il faut se former aussi aux méthodes marketing, de webmarketing, au développement personnel, approche photo etc.
Je ne propose pas simplement une prestation photo, clic clac c’est dans la boite. Il s’agit également d’une expérience à vivre, des émotions à ressentir lors d’une séance photo. Les photos sont là pour se souvenir, pour retenir ces émotions du moment partagé. C’est très subjectif, personnel, et variable d’une personne à l’autre. Il faut aussi comprendre comment fonctionne la communication entre les gens, apprendre comment faire passer les messages, avant, pendant et après la séance photo. Et tout cela, on peut aussi l’apprendre durant des workshops.

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Indéniablement, celui qui a changé ma vie, autant professionnelle que personnelle, c’est L’invitation. J’ai passé quasiment 3 jours dans une villa du sud de la France, en compagnie de 8 camarades photographes pro et de 3 mentors qui sont Rachel Nething (portrait ou paysage), Daniel Bourdenet et Michael Ferire. Chacun ayant sa propre vision et approche de la photo, mais avec une orientation tournée vers l’humain. Ce workshop a été très riche en apprentissages, en émotions, et en partage. J’ai aussi beaucoup appris de mes camarades, et ce weekend nous a beaucoup unis. Quasiment un an après, nous sommes tous encore en contact.

Angel Pion Photographe
Cette année, je souhaite faire moins de formations, principalement parce que je vais faire des investissements pour mon activité. Je vais surement privilégier un gros workshop en adéquation avec mes besoins. Comme je le disais tout au début, on a toujours besoin de se former, on apprend toujours des autres, surtout s’ils ont des techniques, des pratiques, des façons de penser différentes.

Angel Pion Photographe
Aujourd’hui, d’un point de vue technique, je souhaite prendre une orientation plus photoreportage pour les événements, et améliorer encore plus les cadrages lors de mes prises de vue en séance famille et portrait. Je travaille ardemment depuis quelques mois à ce sujet.
« L’invitation » est un atelier de formation pour photographes professionnels ou en voie de professionnalisation. La richesse du concept réside dans un équilibre entre formations théoriques, ateliers pratiques et échanges personnalisés avec les mentors.
Le principe : un groupe de 10 participants réunis autour de 2 mentors dans un esprit d’ouverture et de partage. Ces trois jours ensemble sont propices à l’immersion dans un sujet qui nous passionne. Les repas et le logement sont inclus entre le vendredi soir et le lundi matin.
Les mentors sont choisis pour leur signatures, leurs compétences techniques, leurs expériences d’entrepreneurs et également parce qu’ils partagent des valeurs importantes dans ce métier telles que l’authenticité, la solidarité et la pédagogie.
Le concept « l’invitation » est lancé en 2015 par Rachel Nething, créatrice de la communauté de photographes : portraitoupaysage.com et auteure du livre Photographe 3.0 aux Editions Eyrolles. L’organisation est reprise en 2016 par Daniel Bourdenet, formateur au sein du Beloved Collective et créateur du concept.
- Si tu avais un conseil à donner à des photographes en herbe qui aimeraient en faire leur métier, ça serait quoi?
Il faut tout d’abord faire la différence entre le « fantasme » du métier de photographe et sa réalité. On est très loin du cliché (outch le jeu de mot ) du photographe avec le studio immense, les 3 assistants, et qui passe son temps à photographier des femmes plus belles les unes que les autres dans des endroits paradisiaques à l’autre bout du monde. Personnellement, je ne connais personne qui fait ça.

Angel Pion Photographe
J’invite celui qui a envie d’en faire son métier à rencontrer des photographes professionnels, de voir leur quotidien. Bien souvent, nous sommes des artisans.
Je ne vais pas entrer dans les détails, mais nous passons seulement 20% de notre temps à faire des photos. Le reste est dispatché entre post-traitement, administratif, communication et marketing. C’est la réalité.
Toutefois, c’est un métier extraordinaire, on rencontre des personnes formidables et on vit des moments intenses et passionnants, alors si je dois donner des conseils, ce seront les deux suivants :
- Dès que possible, formez vous. Il existe plusieurs moyens de se former : les livres (les editions Eyrolles regorgent d’excellents livres), les vidéos en ligne et plus précisément les formations en ligne (Portrait ou paysage et ses formations Work’n pop et le tout nouveau site en français Empara), et puis toutes les formations en vrai. Il faut se déplacer : on apprend beaucoup mieux et plus vite. Se former, c’est progresser.
- Soyez déterminé. Etre juste motivé, ce n’est pas suffisant. C’est un métier où il ne faut rien lâcher.

Angel Pion Photographe
Merci pour ces réponses intimes Angel. A très bientôt sur ton site internet : http://www.angelpion.com/.
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