Et voilà! Après un démarrage fulgurant sur Kickstarter en avril 2016, le nouvel objectif artistique de chez lomography est enfin disponible en boutique en version laiton. Youpi! Le Daguerreotype Achromat 2.9/64 Art Lens, est un objectif inspiré de l’esthétique éthérée des toutes premières photographies. Le XIXe siècle s’invite en 2016 ! Grâce à la boutique lomography du Marais à Paris (que je remercie chaudement), je vous raconte mes premières impressions. Retrouvez mes images et les détails techniques en vidéo ici :
Un peu d’Histoire
L’esthétique éthérée du tout premier objectif photographique
Charles Chevalier est un ingénieur-opticien français né en 1804 qui travaille avec son père (Vincent) sur la conception de nouveaux objectifs pour microscopes. En 1823, ils commercialisent pour la première fois leurs premiers objectifs dits achromatiques. Deux ans plus tard, c’est Nicéphore Nièpce qui lui demande de l’aide pour ses chambres photographiques. En 1831, Charles se sépare de son père et fonde sa propre entreprise au 163 rue du Palais Royal. Ce n’est qu’en 1839, après l’apparition du procédé photographique Daguerrotype qu’il s’intéresse vraiment à la photographie et s’associe à Louis Daguerre. Le procédé Daguerreotype, découvert en 1835, révolutionne alors les procédés photographiques puisqu’il permet enfin de conserver des images même exposées à la lumière. Après des années de perfectionnement, la découverte de Louis est présentée à l’Académie des sciences par Arago le 9 janvier 1839. Le brevet de Daguerre est acquis par le gouvernement français. Regardez plutôt la vidéo ci-dessous présentant un véritable Daguerreotype à l’Atelier de Restauration et de Conservation de la Photographie (ARCP) de la Ville de Paris en septembre 2016 lors des journées du patrimoine.
Un doublet achromatique (ou achromat) est un doublet de lentilles conçu pour limiter les effets des aberrations chromatique et sphérique. L’achromat corrige les distances focales de faisceaux lumineux de différentes longueurs d’onde pour mieux les faire converger vers le même plan. Cependant, l’objectif de Chevalier donnait aux images une texture voilée lumineuse provoquée par des aberrations optiques lorsqu’il était utilisé avec de larges ouvertures. Le Daguerreotype Achromat 2.9/64 Art Lens de Lomography met à l’honneur cette esthétique oubliée.
Voici une photo prise en 1838 par Louis Daguerre. On y voit le Boulevard du Temple à Paris. Sur cette photo, on distingue clairement des êtres humains, preuve que les temps d’exposition ont commencé alors à devenir raisonnable!
Le nouvel objectif artistique de lomography
Dans la famille des objectifs artistiques de chez lomography, on compte déjà le Petzval 85 mm, le Petzval 58 mm, le Jupiter 3+, Russar+, Lomo LC-A Minitar-1 … Le Daguerreotype Achromat, nous promet lui aussi bien des choses. Avec sa focale de 64mm, l’objectif permet aux photographes et amateurs de vidéos de composer différents types d’images : des flous artistiques éthérés en choisissant de grandes ouvertutes (maximum 2.9), des bokéh originaux avec de nouvelles plaques d’ouvertures, et des photos d’une netteté cristalline avec de petites ouvertures (jusqu’à f/16).
Comme son grand frère le Petzval, le Daguerreotype est tout manuel! Mise au point manuel et système de diaphragmes Waterhouse (plaques d’expositions à insérer dans une fente).
En plus des plaques d’ouverture classiques, Lomography vous propose pour ce nouvel objectif deux nouvelles séries de plaques aux noms évocateurs : Lumière et Aquarelle. La plaque Lumière baigne vos images dans une lueur douce tandis que la plaque Aquarelle donne à vos photos une texture plus riche et un rendu pictural que l’on trouve très rarement en photographie. Rien que ça!
Focale | 64 mm |
Ouverture maximale/minimale | f/2.9 et f/16 |
Distance minimale de mise au point | 0,5 m |
Mise au point | Manuel (bague hélicoïdale) |
Disponible en laiton ou finition noire, le Daguerreotype Achromat 2.9/64 Art Lens a été conçu à partir du design de l’optique originelle de 1839, et adapté pour une utilisation au XXIe siècle sur des appareils à monture Canon EF, Pentax K ou Nikon F, ainsi que sur d’autres appareils comme les Sony Alpha, les Micro 4/3 et les Fuji X-Pro grâce à des adaptateurs pour appareil hybride.
Mes premières impressions
Prise en main
Pour mes essais, j’ai utilisé deux appareils 24X36 : un numérique full frame Canon EOS 6D, et un appareil argentique CAnon EOS 100 avec des pellicules lomography 400 et 800 iso. Tout comme son grand frère le Petzval, le Daguerreotype Achromat est assez lourd (tu m’étonnes, tout en laiton!). Il existe en version doré ou en version noir brillant (photo ci-dessous). Le noir est forcément plus discret. Pour ceux qui préfèrent l’argenté, la version chromé est sortie (juillet 2017). Il est livré avec une jolie pochette en cuir et ses plaques d’ouvertures (les fameuses!).
A la première utilisation, on apprécie la mise au point manuelle avec la bague hélicoïdale. Le Petzval lui, était équipé d’une petite roulette parfois fastidieuse à utiliser et vraiment contre-intuitive. Le réglage de l’ouverture est lui aussi manuel, puisque l’on utilise les différentes plaques d’ouvertures du système Waterhouse. Je me demande toujours comment ce système de fente ne finit pas plein de poussière.
Entre la mise au point et l’ouverture tout manuel, vous allez forcément passer plus de temps à « réfléchir » vos photos que sur un objectif auto-focus avec stabilisateur et ouverture automatique.
Ce serait vous mentir, que de vous faire croire que c’est instinctif ou facile à utiliser! Clairement, il va vous falloir un temps d’adaptation de quelques jours. Passées les premières photos floues (à cause du bougé ou à cause de la mise au point) et grâce à un peu de perspicacité, vous allez commencer à vous amuser. Vraiment!
Ce qui est étonnant avec l’Achromat, c’est qu’on a l’impression en regardant notre écran de lecture d’appareil numérique que toutes nos photos sont floues, alors qu’en fait, il s’agit juste de ce fameux effet « ethéré » dû aux aberrations optiques. Sur un écran d’ordinateur, vous pourrez beaucoup mieux apprécier le rendu. Ne les jettez pas de suite!
Le Daguerreotype Achromat est équipé d’un pare-soleil. Laissez-le, le filtage est très moche une fois que vous le retirez. C’est un objectif à focale fixe, bien-sûr, 64 mm. Vous allez devoir vous déplacer devant votre sujet pour cadrer. Je trouve que c’est un bon choix de focale. Si vous l’utilisez avec un appareil photo argentique 35 mm (24X36) un 64 mm vous permet de faire de jolis portraits et des photos de rue. Si vous l’utilisez sur votre appareil numérique capteur type APS-C (comme les appareils numériques Canon non Full Frame, Fuji X-Pro 1 et quelques appareils Sony NEX) vous aurez un coefficient multiplicateur de 1,6 ou 1,5, donc un rendu de focale de 96 mm! On commence à être vraiment sur de la focale de portrait, voire pour faire de jolies macros. Pour les appareils photos numériques format 4/3 type hybrides, là, vous allez carrément doubler votre focale! On sera alors sur du 128 mm! Pour en savoir plus sur le « Crop Factor » ou coefficient multiplicateur et vos tailles de capteurs, c’est par ici. Avec votre appareil photo hybride, il va falloir rajouter une bague d’adaptation pour pouvoir monter votre Daguerreotype Achromat monture Canon/Nikon. Vous la trouverez également en boutique (ils ont tout prévu chez lomo!).
Les premiers essais effectués n’ont pas été concluants, je ne vous le cache pas. Il faut dire que je me suis mise vraiment dans des conditions drastiques : soirée de Noël avec les copains synonyme de peu de lumière, personnages agités et alcoolisés. Le top quoi! Je ne vous montre pas, j’ai très vite abandonné. Impossible de faire la mise au point avec peu de lumière et les temps de pose même à pleine ouverture étaient trop longs pour ne pas avoir de flou de bougé. Bref, les photos de soirée, on oublie. De toute façon, ce n’est pas fait pour ça!
Photos de nuit
Vous l’avez compris, le principal intérêt des plaques d’exposition c’est d’introduire des formes rigolotes et de faire des bokeh originaux. Pour créer de jolis bokeh, le principe est simple, en général, et d’ailleurs sur n’importe quel objectif, on fait le point sur un sujet proche de soi, et on utilise une grande ouverture. La profondeur de champ sera étroite et vous observerez un flou artistique. C’est ça le bokeh. Seulement si vous faîtes la même chose mais dans des environnements peu lumineux et avec par exemple des lumières au fond, vous verrez que ces lumières prendront la forme de votre diaphragme. Vous suivez? Résultat, si vous utilisez des soleils, vous aurez des soleils… etc. L’imagination sera alors votre seule limite! Vous pouvez également faire ça chez vous avec du carton noir. Je vous explique tout dans cet article : faire un joli bokeh.
Nous y voilà! Paris, la nuit… des lumières… et des plaques d’exposition!
J’ai pu essayer dans différentes conditions lumineuses et surtout de préférence avec un pied. Lomography n’a pas exagéré, l’image est vraiment de très bonne qualité sur de petites ouvertures comme f/16. Les rendus sont dingues.
En ce qui concerne les résultats obtenus avec les plaques créatives et avec grande ouverture (pour obtenir ce velouté), je dois dire que je suis assez indécise pour l’instant. Les photos sont originales, mais je ne dois pas encore maitriser la netteté de l’image. Elles sont quand même très floues.
Vous en pensez quoi?
Portraits
Pour les portraits, le Daguerreotype Achromat fait aussi des merveilles! Tourbillons, bokeh étoiles… Préferez plutôt des environnements très lumineux derrière le visage à photographier. Voici quelques résultats sans plaques (donc avec une très grande ouverture et un peu de tourbillons) et des résultats avec plaques étoiles/points.
Pour être certaine que les contrastes sont respectés, j’ai aussi fait des photos avec flash cobra en intérieur très sombre. Sur un fond clair ou moyen (rouge ou gris), les contrastes restent corrects. Les couleurs virent un peu, mais on va dire que cela reste acceptable. La première photo est à f/8, tout est ok pour la netteté. A f/5.6, on commence à apercevoir le tourbillon sur les côtés, on est moins net. Mais au centre, tout est parfait. Cela donne un joli rendu. A f/4 et avec un fond noir, cela part complètement en cacahuètes! La netteté n’est plus au rendez-vous (je précise que ma mise au point était correcte avec un système wifi pour déclencher à distance sur le téléphone) et on voit bien ce flou « éthéré ». Il est clair que ce n’est pas l’objectif à utiliser avec des fonds unis. C’est beaucoup plus intéressant avec des fonds lumineux ou coloré. A noter aussi : l’objectif n’a pas de stabilisateur optique! Alors pour les poses plus longues que 1/30 c’est assez difficile de ne pas avoir de flou de bougé.
Enfin, le dernier exercice, cette fois avec un fond coloré et lumineux… Encore des auto-portraits. Désolée, je n’avais pas de modèle sous la main. Tant qu’à tester une ambiance veloutée, je vous ai créé une ambiance vraiment home sweet home.
En résumé
L’objectif Daguerreotype Achromat est bien un objectif artistique incroyable : des effets différents et une bonne optique. Si vous cherchez un objectif original pour faire des portraits ou des photos de nuit je vous le conseille. Moi, j’ai fini par me l’acheter récemment (juin 2019). Si par contre, les portraits posés ou le trépied, ce n’est pas votre tasse de thé, passez votre tour. Ce n’est pas un objectif pour la photo de rue ou les soirées entre amis! Les photos de nature s’y prêtent aussi assez bien. Allez faire un tour sur Analog Collection et l’article sur les jardins de Giverny.