L’histoire de Polaroid : Impossible Project et Polaroid Originals #2

Connaissez-vous Polaroid? Bien entendu! Les fameux pola que nous agitions frénétiquement quand nous étions enfants et dont les couleurs  disparaissaient littéralement avec le temps dans nos albums de famille …  Ceux-là même! Vintage par excellence, la photo instantanée, même si elle n’a pas toujours été au top des ventes, est toujours restée dans nos cœurs. Le petit côté magique de la chimie! Le petit miracle de la photo qui apparaît dans le carré blanc. Et ça tombe bien, car c’est en septembre dernier (2017) que la société Polaroid renaît de ses cendres pour devenir Polaroid Originals dont l’embryon n’était autre qu’Impossible Project. Faisons le tour de la jolie histoire de cette renaissance, aventure humaine, fruit des innovations de plusieurs scientifiques et entrepreneurs depuis 1948. Propos d’Eglantine Aubry recueillis au Salon de la Photo 2017 sur le stand de Dans Ta Cuve! et recherches personnelles.  Après l’épisode 1 de la saga, voici l’épisode 2! 

Retour sur l’épisode précédent : Polaroid est dans toutes les maisons. L’instantané s’est démocratisé. Dans la police, il permet de photographier des scènes de crimes. On l’utilise chez les paysagistes. Et même quand vous devez faire un constat pour votre voiture, seules les photographies instantanées sont acceptées car elles sont impossibles à retoucher. Un succès incroyable !

Faillite et renaissance 

En 2000, c’est l’explosion de la photographie numérique. Polaroid n’y croit pas, fait de mauvais choix stratégiques et loupe le tournant. C’est la faillite. Il ne reste plus qu’à envoyer à la casse ou à revendre en pièces détachées les lignes de production des Pays-Bas.

En juin 2008, l’usine d’Enschede ferme (ville industrielle à l’est des Pays-Bas [ndlr]), après une longue agonie. Tout le monde se retrouve au chômage ou en préretraite, sauf une équipe de quatre personnes, dirigée par le directeur technique, André Bosman, 55 ans. Depuis fin 2007, André est chargé de démanteler les installations, de vendre ce qui est vendable et de détruire le reste : « Une tâche éprouvante, j’avais consacré vingt-huit ans de ma vie à cette usine. »

Mais à 1000 km de là, à Vienne en Autriche, un homme se bat pour sauver le film instantané Polaroid. Il s’appelle Florian Kaps. Florian a 39 ans, est spécialisé dans la création de sites web et de communautés en ligne. Il a déjà participé au lancement de la communauté Lomo. Il se voue de passion pour l’argentique et crée deux sites web : Polaroid.net et PolaPremium.com (boutique en ligne où il revend des appareils d’occasion).

« Je les trouve sur eBay et par petites annonces, où j’achète des lots d’invendus. J’ai même récupéré gratuitement les appareils Polaroid de la police viennoise, qui passait au numérique. Je les fais réviser, et je les revends de 80 à 300 euros selon le modèle, avec une garantie d’un an. »

Florian Kaps

Florian essaie de négocier un partenariat avec la direction de Polaroid, en vain. En 2005, la société avait été rachetée par le financier Tom Petters« Il avait décidé dès le départ de casser l’outil industriel, affirme Florian, il voulait juste exploiter la marque pour vendre des imprimantes et des téléviseurs. » Capitalisant sur l’image sympathique de la marque aux films instantanés que le monde entier aime spontanément secouer pour révéler au plus vite le cliché, les derniers propriétaires de la marque Polaroid se sont donc amusés à coller ce nom sur à peu près tout et n’importe quoi : des APN compacts et des APN instantanés (ce qui reste assez logique), des vêtements (pourquoi pas), des traceurs grand format (admettons…), une action-cam (hum, d’accord…), des smartphones bas de gamme (bof), des téléviseurs (euh…), des drones (mais… mais…), des verres à shots (pourquoi ? Pourquoi ?!) (propos recueillis sur les numériques.com).

Faute de mieux, Florian devient distributeur de pellicules sur Internet. A ce titre, il reçoit en juin 2008 une invitation pour la « Fête de fermeture » de l’usine d’Enschede. Pris d’une inspiration subite, il décide de faire le voyage, pour rencontrer André Bosman. Le samedi soir, devant une bière, Florian fait à André une proposition folle : créer ensemble une start-up qui s’appellera Impossible, trouver l’argent pour acheter les machines, et faire redémarrer l’usine. D’abord abasourdi, puis sceptique, André se laisse gagner par l’enthousiasme de Florian. Le lundi matin, il se précipite à l’usine et ordonne à l’équipe d’arrêter la démolition.

Petite parenthèse amusante… Le fameux Tom Petters (photo ci-contre) a écopé d’une peine de 50 ans de prison dans le Leavenworth pour fraudes. En effet Tom était à la tête d’une organisation bien spécifique : un système de Ponzi. Le même système pour lequel Bernard Madoff a été inculpé. Il s’agit d’une organisation qui verse aux investisseurs existants de l’argent versé par de nouveaux investisseurs, plutôt que des bénéfices réels. Fin de la parenthèse. 

Commencent alors des négociations tortueuses avec Polaroid, qui finit par accepter de vendre ce qui n’a pas encore été détruit. Entre-temps, aux Etats-Unis, Tom Petters a été emprisonné pour escroquerie dans une autre affaire, Polaroid a été mise en redressement judiciaire. A Enschede, le promoteur qui avait racheté les murs loue à Impossible l’un des bâtiments, à prix de faveur. A Vienne, Florian réussit à trouver 1,2 million d’euros, juste assez pour se lancer : « Mes investisseurs sont des amis et des passionnés de photo analogique. L’un d’eux a hypothéqué sa maison pour financer son apport. » L’étape suivante consiste à réunir une équipe capable de mener à bien cette entreprise. Or, Impossible ne peut se permettre d’embaucher qu’une dizaine d’hommes à leur salaire antérieur. André établit une liste de vétérans qu’il connaît bien, des hommes compétents et dotés d’un solide esprit d’équipe. Et là, surprise : les dix premiers contactés acceptent tous de se lancer dans l’aventure. En savoir plus sur Le Monde.

  • Benny Evers, machiniste, 56 ans dont trente-deux chez Polaroid, cherchait du travail, car l’assurance-chômage l’y obligeait, tout en sachant qu’il ne trouverait rien.
  • Paul Latka, 51 ans, informaticien, avait mal vécu son licenciement : « Quand on a annoncé la fermeture de l’usine, je suis rentré et j’ai pleuré. » Il avait trouvé un emploi dans un centre de distribution de vêtements : « L’ambiance était chaotique, les chefs se faisaient la guerre. Je devenais dépressif. »
  • Martin Steinmeijer, 51 ans, chimiste, était en convalescence après une opération du coeur. Malgré sa maladie, pour éviter le chômage, il avait passé un concours afin de devenir prof de chimie : « J’ai réussi, mais je n’avais pas la vocation. En fait, l’enseignement me faisait peur. »
  • Gerard Kamphuis, 56 ans, électricien, avait réussi à se faire embaucher avec un bon salaire par une entreprise de travaux publics. Pourtant, comme ses camarades, il ne résiste pas à l’envie de se lancer dans une aventure si incertaine. Benny résume l’état d’esprit général : « L’argent, on s’en moque, nous faisons ça pour le plaisir. Réussir l’impossible, à nos âges, quoi de plus excitant ? »
  • Le seul à se faire désirer fut Kees Teekman, 59 ans, ingénieur« J’avais enfin réussi à me faire à l’idée que l’usine allait disparaître. Quand André m’a demandé de revenir, je venais de mettre à la poubelle la moitié de ma documentation personnelle. J’ai hurlé : pourquoi tu n’es pas venu plus tôt ? Toutes mes émotions ont resurgi, c’était très stressant. » Après une petite crise intérieure, Kees a rejoint ses amis : « Si nous réussissons, je ne dessoûlerai pas pendant une semaine. »

Je vous conseille l’excellent article : http://leboitierphoto.com/photo-polaroid-comment-ca-marche/

https://vimeo.com/100712215

Impossible Project

Le défi est immense pour Florian dit le « Doc »: sauver le film intégral, rénover et gérer les systèmes électroniques des années 80, réinventer la chimie. La société The Impossible Project est officiellement créée en octobre 2009 et il faudra attendre 2010 pour que les premiers films, PX 100 et PX 600 Silver Shade, sortent. Le premier film noir et blanc est loin d’être au point : il tire plutôt sur le marron et la photo disparaît rapidement. Aie.

Ce n’est que le début heureusement. Bien que reprenant le format Polaroid, ces produits n’ont plus rien en commun avec ceux d’origine, avec plus de 40 nouveaux composants. Il faut dire que les normes des industries chimiques se sont durcit en terme de sécurité, notamment avec REACH. Stephen (Steve) R. Herchen (doctorat de chimie organique au MIT et membre du prestigieux editing board du Journal of Organic Chemistry) sera l’un de ceux qui apportera le plus d’innovations dans la chimie après également 30 ans dans la marque ZINK imaging technology (filiale de Polaroid). Les premiers films se sont surtout écoulés auprès des fans et non du grand public. Les ventes ont ajouté des fonds à l’entreprise pour continuer ses recherches. La qualité sera enfin au rendez-vous en 2013.

Une version exotique d’un film couleur par Impossible Project

C’est alors qu’Impossible sort son premier appareil photo : le I-1. Esthétiquement parlant, Impossible I-1 rappelle beaucoup les anciens Polaroïd, avec des lignes beaucoup plus modernes. Même chose du côté de sa fiche technique puisqu’il est équipé d’un système autofocus ainsi que d’un flash annulaire capable de s’adapter aux conditions de prise de vue. L’appareil intègre aussi une batterie et un port USB. Il servira à le recharger. En outre, il embarque un module de communication Bluetooth et il sera ainsi capable de dialoguer avec un terminal sous iOS. Mieux, le photographe pourra en plus installer une application afin de prendre le contrôle de l’appareil à distance. L’outil intégrera même des réglages créatifs. L’appareil reste néanmoins assez cher : 300 euros à sa sortie.

l’appareil photo instantané I-1 d’Impossible Project

Petit à petit, Impossible devient la marque des hipsters, des jeunes cools en mal de vintage (un peu comme lomography). On la retrouve dans les magasins bobos parisiens. Là où on achète des nœuds papillons en bois, des platines vinyls et des têtes d’animaux en origami (Fleux par exemple). Promis, nous n’oublierons pas la boutique Impossible Project, rue Charlot à Paris, près de République. Une boutique charmante, dans une ancienne boucherie. On y achetait nos cartouches comme on allait acheter un sandwich libanais bien frais. Après 5 ans de bons et loyaux services, la boutique est maintenant fermée. Cependant rassurez-vous, Impossible Project ne vous abandonne pas, l’équipe française reste à votre disposition par mail pour toutes demandes à cette adresse : paris@the-impossible-project.com. Le SAV, sera quant à lui, assuré par l’équipe berlinoise joignable à service@the-impossible-project.com. Oubliez vos vieux cours d’allemand, ils sont francophones !

Boutique Impossible Project, 77 rue Charlot Paris

En 2012, Wiacezlaw «Slava» Smolokowski, un magnat de l’industrie de l’énergie qui a fondé l’une des plus grandes sociétés de négoce de matières premières, devient propriétaire  de 20% de The Impossible Project après avoir été persuadé par son fils Oskar (il devient donc actionnaire majoritaire). En 2014, Oskar Smolokowski prend ses fonctions en tant que PDG de The Impossible Project alors qu’il n’a que 20 ans. Le changement de propriétaire a fait très peu parlé. Il faut dire aussi qu’Oskar ressemble plus à un ado qu’à un PDG. C’est alors que le 5 mai 2017, un groupe d’actionnaires (les Pohlad) mené par la famille Smolokowski rachète 100 % des parts de la Polaroid Corporation.

Oskar Smolokowski

Fait amusant : le rachat des outils de production des films instantanés Polaroid par Impossible Project en 2008 aura coûté 3,1 millions de dollars alors qu’en 2014, la famille Pohlad a déboursé 70 millions de dollars pour devenir actionnaire majoritaire de la Polaroid Corporation.  Les termes du contrat de la passation de pouvoir entre les Pohlad et les Smolokowski (et ses partenaires) n’ayant pas été divulgués, impossible de se prononcer sur le montant de la transaction ni sur les ambitions concrètes des nouveaux venus.

Oskar Smolokowski

Au revoir Impossible Project, bonjour Polaroid Originals

C’est alors qu’en septembre 2017, nous apprenons le changement de nom : adieu Impossible Project, bonjour Polaroid Originals! Un des points importants de cette annonce, en dehors du changement de nom, concerne le lancement d’un nouvel appareil, le Polaroid OneStep 2. Le modèle One Step, créé par Polaroid en 1977, il y a tout juste 40 ans, était un des boîtiers emblématique de la série 600. Connu et reconnu pour sa simplicité d’utilisation, ce boitier avait remporté l’engouement du grand public. Polaroid Originals remet au goût du jour cet appareil, avec une version qui conserve le charme vintage du One Step premier du nom, mais lui ajoute des nouveautés.

Le Polaroid OneStep 2 conserve très largement la simplicité d’utilisation qui caractérisait son prédécesseur, mais bénéficie de quelques fonctions intéressantes :

  • Flash intégré
  • Retardateur
  • Compteur de vues qui prend la forme de deux rangées de LED et signalent le nombre de poses restant dans la cartouche
  • fonctionne avec le film i-Type utilisé par l’appareil Impossible I-P, et avec le film 600.
  • Il est alimenté par une batterie interne, rechargeable par USB.

En plus du petit nouveau, les anciens, les « vintages » sont disponibles en version originales et restaurés sur le site internet de la marque. De plus, le prix du OneStep 2, autour des 120€, le positionne comme un appareil nettement moins coûteux que l’I-P, donc plus accessible par le grand public. Il est aussi susceptible d’entrer en concurrence avec la gamme des appareils Instax de Fujifilm. Le prix des consommables reste toutefois largement en faveur de ces derniers, puisque les cartouches de film 600 ou bien i-Type consommées par le One Step 2 (les mêmes que pour l’appareil précédent d’Impossible Project, le I-1) coûteront pas moins de 16€. Avec 8 photos par recharge, chaque pose coûte pas moins de 2€. Le nouveau site, eu.polaroidoriginals.com présente ce nouvel appareil, et met également en avant la dernière génération de films destinés aux différents types d’appareils Polaroid. Leur chimie a une nouvelle fois été revue. Mais attention, ne vous mélangez pas les pinceaux! Les nouvelles cartouches ne fonctionneront pas avec les anciens appareils comme les Impulse car ils ne contiennent plus de piles. Un petit progrès écologique que l’on salue.

Longue vie à l’instantané! 

Pour aller plus loin 

L’histoire de Polaroid : Edwin H. Land #1

Connaissez-vous Polaroid? Bien entendu! Les fameux pola que nous agitions frénétiquement quand nous étions enfants et dont les couleurs  disparaissaient littéralement avec le temps dans nos albums de famille …  Ceux-là même! Vintage par excellence, la photo instantanée, même si elle n’a pas toujours été au top des ventes, est toujours restée dans nos cœurs. Le petit côté magique de la chimie! Le petit miracle de la photo qui apparaît dans le carré blanc. Et ça tombe bien, car c’est en septembre dernier (2017) que la société Polaroid renaît de ses cendres pour devenir Polaroid Originals dont l’embryon n’était autre qu’Impossible Project. Faisons le tour de la jolie histoire de cette renaissance, aventure humaine, fruit des innovations de plusieurs grands scientifiques et entrepreneurs depuis 1948. Propos d’Eglantine Aubry recueillis au Salon de la Photo 2017 sur le stand de Dans Ta Cuve! et recherches personnelles.  

Edwig H. Land et les filtres polarisants

Edwin Herbert Land, né le  à Bridgeport (Connecticut) et mort le  à Cambridge (Massachusetts), est un inventeur et scientifique américain. Petit garçon, Edwin était fasciné par la lumière et par le phénomène naturel de la polarisation de la lumière. Les ondes lumineuses se propagent en oscillant de haut en bas mais aussi en tournant autour d’un axe décrivant des angles différents. Un polarisant contient des fentes qui ne laissent passer la lumière oscillante qu’à certains angles. Les polarisants naturels étaient déjà efficaces pour réduire l’éblouissement et mesurer les angles de réflectivité mais ils étaient épais et chers. Land rêvait de créer des polarisants synthétiques permettant d’améliorer la sécurité routière nocturne : éviter l’éblouissement des phares des autres automobilistes et ainsi pouvoir augmenter l’intensité des phares sans risque d’éblouissement. En 1926, Land rentre à Harvard pour étudier la Physique mais il s’arrête au bout de quelques mois car il est en manque de cours pratiques. Il déménage pour New York où il étudie à la New York Public Library et conduit des recherches secrètes en parallèle à l’Université de Columbia. Il travaille sur la synthèse d’un polarisant synthétique. A l’époque seul les cristaux polarisants de très grande dimension existent. Land travaille à l’époque avec le chimiste William Herapath sur la production de cristaux de synthèse de taille microscopique. En les suspendant dans un vernis liquide, il arrive à les aligner de façon parallèle avec un aimant. Il ajoute alors une feuille de celluloïd (un plastique mince et transparent). En séchant, le vernis durcit et les cristaux gardent leur orientation dans l’espace. C’est ainsi qu’en 1929, Land dépose son premier brevet sur les films polarisants.

Il retourne à Harvard la même année mais échoue une nouvelle fois car il continue le développement de son entreprise en parallèle. En 1932, Land et son collègue d’Harvard, George W. Wheelwright, III, crée Land-Wheelwright Laboratories, à Cambridge dans le Masachussetts pour produire des filtres polarisants. Après plusieurs années de modifications et d’innovations, leurs produits deviennent les précurseurs de filtres pour lunettes de soleil et pour lunettes 3D. En 1937, Land-Wheelwright Laboratories devient une société publique appelée Polaroid Corporation. En 1940, la société Polaroid participe à l’effort de guerre américain en produisant beaucoup de systèmes anti-éblouissement pour les visées télémétriques, les lunettes de soleil, les appareils photos, les cameras, et les dispositifs optiques. Pendant la seconde guerre mondiale, Land participera aussi activement à la recherche de nouvelles voies de synthèses de la quinine qui étaient utilisées dans les filtres polarisants (la quinine est surtout un principe actif anti-malaria qui était alors extrait de la cinchona, une plante exotique d’Indonésie). Il embauchera Robert Burns Woodward d’Harvard (1917–1979) comme consultant. Avec l’aide de Polaroid et d’Harvard, Woodward et son collègue William von Eggers Doering (1917–2011) ont synthétisé la quinine en 1944. Woodward fut récompensé par le Prix Nobel de 1965.

Edwig H. Land et la photo instantanée

En 1943, lors de vacances à Santa Fe, Land prend des photos de sa fille, Jennifer, âgée de 3 ans. Elle lui demande alors pourquoi il n’est pas possible de voir la photo de façon instantanée. A cette époque, les pellicules photos argentiques devaient êtres données à développer dans un laboratoire spécialisé et il s’écoulait au minimum plusieurs jours entre la prise de vue et les tirages papier récupérés au magasin.

Polaroid travailla pendant plusieurs années : les colorants, les produits sensibles, les cristaux et les polymères afin de trouver LA technologie de la photographie instantanée. Le système de Land nécessite de tout ré-imaginer : un nouvel appareil photo et de nouveaux films.

En photographie conventionnelle, le photographe prend une série de cliché sur un rouleau de film puis retourne au laboratoire pour le développement. Dans des cuvettes ouvertes en chambre noire, ou dans une cuve de développement aveugle, un bain de développement est ajouté puis un bain fixateur.

Land imagine un système contenant différentes couches : le film sensible, la chimie de développement et le fixateur dans le même film. Alors qu’en photographie argentique classique, les halogénures d’argent sensibles à la lumière deviennent de l’argent métallique sous l’effet des rayons lumineux composant une image négative qu’il faut alors transformer en image papier positive, la clé du système de Land est que son film contient à la fois le film négatif et le support papier qui formera l’image positive! Ses films contiennent un petit réservoir rempli de produits chimiques, appelé pod (gousse en français) et complètement sellé sur le film. Le procédé entier apparaît alors comme sec et non-toxique pour l’utilisateur. Quand la photo sort de l’appareil instantané, des petites billes cassent le réservoir qui répandent les produits chimiques sur le film.De 1943 à 1946, le projet reste secret chez Polaroid. Ils tentent d’améliorer les nuances, l’exposition mais aussi les contrastes. Ce n’est pas gagné. D’autant plus que la cartouche de film doit rester stable dans le temps et ne doit pas bouger avec la température! Plus important : la photo doit rester fidèle dans le temps.

Le 21 février 1947, Polaroid a résolu tous les problèmes ou presque et sa technologie est prête. Land fait alors sa première présentation publique à une conférence de l’Optical Society of America à New York. Les journaux relaient l’information comme « révolutionnaire »!

Le premier appareil photo : Model 95 et son premier film est en vente pour la première fois en 1948 à Boston. L’appareil est en rupture de stock dans la journée. Pourtant son prix est exorbitant : 950 dollars. A l’époque, il faut attendre exactement une minute pour enlever le papier qui recouvre la photo. Les tons sont alors sépia, pas tout à fait noir et blanc. C’est à partir de ce moment là, qu’on a commencé à agiter la photo!

Le Model 95 (vintagecameralab.com)

A partir des années 1960, la photographie argentique conventionnelle se voit proposer des photos couleurs! Le nouveau challenge pour Pola est alors de s’aligner… Pas facile! La couleur peut se décomposer en nuances de trois couleurs principales : le vert, le bleu et le rouge. Et chaque couleur a son propre développement. Après presque 15 ans d’essais de nouvelles chimies, nouveaux cristaux, nouvelles solutions de développement, … Polaroid est très proche. Howard Rogers (1915–1995) reformule complètement les procédés de développement couleur. Alors qu’il faut généralement séparer les colorants et leurs développeurs, Howard propose la création de révélateurs de colorants dans lesquels les deux composés sont attachés ensemble.

Brevet déposé – la photographie instantanée

Alors que Polaroid a presque réglé le problème du développement couleur, il reste un verrou important : celui de la pérennité de la photo. Les molécules alcalines de développement, nécessaires pour dissoudre les révélateurs de colorants, glissent avec les colorants jusqu’à la couche positive et commencent inévitablement à détruire complètement l’image finale. Polaroid finit par résoudre le problème en incorporant dans un film de polymères dans la feuille positive. Ils peuvent alors réagir avec les solutions alcalines de développement si il le faut. L’acide et la base réagissent pour donner de l’eau et fixent les colorants.

L’aventure couleur commence en 1963 et six fois plus de films sont vendus dans la dizaine d’années qui suit.

Edwin Land et l’aventure couleur

Un nouveau défi s’offre à Polaroid. Appelée photographie instantanée, on est portant encore loin de la vision « one step photography » dont rêvait Land. La technologie de Land nécessite tout de même de décoller la feuille négative du tirage qui sort de l’appareil après un temps d’une minute. Pour certains photographes, il est même nécessaire de tamponner l’image avec un fixateur ou bien de la coller quand elle sèche à un support rigide pour éviter qu’elle ne se recourbe ou ne gondole. A l’époque, la photographie instantanée générait beaucoup de déchets! On retrouvait des emballages partout dans les espaces publics. A minima la feuille de papier négatif… En devenant populaire la photo instantané est devenu un fléau écologique.

Polaroid SX-70 Land Camera de 1972

En 1963, Polaroid sort les premiers films en pack après une complète reformulation de sa technologie. La photo doit devenir intégrale, contenir : le négatif, le positif et les révélateurs! Pour y arriver, la couche positive doit être transparente et laisser passer la lumière pour exposer le négatif derrière. Incroyable! Polaroid a alors inventé un opacifiant chimique permettant d’obtenir un écran clair lorsqu’il n’est pas développé mais qui devient opaque immédiatement après être éjecté de l’appareil photo puis enfin redevenir transparent pour révéler l’image développée! C’est ainsi qu’est sorti le premier SX-7O : premier reflex instantané pliant utilisant des packs (des cartouches). Quand il sort en 1972, c’est l’apogée du design. Sa simplicité d’utilisation cache en fait son extrême complexité : dans les 2 mm de film, on trouve 17 couches différentes de produits chimiques!

Land a décrit le projet dans le journal « The Photographic Journal » en 1974:

“It is an interesting experience to see how all of Absolute One-Step Photography can happen very simply if it happens sequentially, involving both the camera and film in some two hundred to five hundred steps…

“When the film is ejected potassium hydroxide in a few drops of water is spread in a layer 26/10,000 inch thick and ‘all hell breaks loose,’ but in a much more orderly way than that phrase implies. For several minutes chemical reactions occur rapidly one step after another in that thin sandwich and then this progression slowly stops. There is peace again and the picture is complete.”

Le seul inconvénient du SX-70 : il est cher! Pas vraiment abordable pour toutes les bourses… Polaroid se devait de créer des appareils photos bas de gamme, abordables et simples, s’il souhaitait démocratiser vraiment la photo instantanée. En 1976, le Polaroid vend le premier appareil Polaroid 1000 et le one step très légers et tout en plastique. C’est le boom de la photo instantanée!

Polaroid One Step

Polaroid améliore encore ses appareils en créant l’autofocus par Sonar! Même plus besoin de faire le point manuellement. Appuyer sur le bouton suffit! le petit SX-70 Sonar sort en 1978. Avec cette nouvelle technologie, prendre une photo instantanée devient de plus en plus facile. Plus qu’à appuyer sur le bouton rouge! S’en suit alors une grande diversité des gammes. Le Spectra par exemple pour les professionnels… des appareils macro… différents objectifs…


Polaroid est dans toutes les maisons. L’instantané s’est démocratisé. Dans la police, il permet de photographier des scènes de crimes. On l’utilise chez les paysagistes. Et même quand vous devez faire un constat pour votre voiture, seules les photographies instantanées sont acceptées car elles sont impossibles à retoucher. Un succès incroyable.

Pour aller plus loin 

Le papier salé

La technique du papier salé

Dans la grande famille des procédés anciens et plus particulièrement parmi ceux utilisant des sels d’argent, la technique du papier salé est une des plus simples. Mais attention, elle est légèrement plus complexe et plus longue à mettre en oeuvre que le cyanotype ou le procédé Van Dike. Pour le papier salé, vous n’aurez besoin que de deux produits pour préparer votre surface sensible (du sel de table et du nitrate d’argent) mais les étapes de séchage et les précautions à prendre peuvent être délicates. De plus, vous allez devoir fixer votre tirage pour ne pas qu’il continue à évoluer avec la lumière. Pour cela, un seul produit: de l’hyposulfite de sodium. Vous pourrez éventuellement ajouter de l’acide citrique (ou du jus de citron!) pour acidifier la solution de nitrate d’argent que vous aurez préparé. Le nitrate d’argent (26 euros les 25g) et l’hyposulfite de sodium (4,5 euros les 250g) sont disponibles facilement chez des revendeurs de produits chimiques pour labo photo (Disactis par exemple) et même dans certaines pharmacies (!). Il existe beaucoup de variantes de cette technique : avec gélatine, papier albuminé, iodé, noircissement au développement par l’acide gallique, etc. Nous ne verrons pas ces variantes ici. J’ai d’abord voulu tester la version la plus simple avant de monter dans la complexité! 

Un peu d’histoire

Henry Fox Talbot

William Henry Fox Talbot

En 1835, William Henry Fox Talbot réalisait ses premières photographies avec des sels d’argent et plus précisément avec du chlorure d’argent (AgCl) couché sur du papier. Le papier sensible était exposé à la lumière avec un appareil photo jusqu’à ce que l’image soit complètement visible sur le papier. Le temps d’exposition pouvait alors dépasser une heure. On obtenait alors une image en négatif. Puis à partir de ce négatif, on pouvait créer un positif selon le même procédé chimique par « tirage contact ». Le négatif papier pouvait même être enduit d’huile pour plus de transparence.

Il a fallu attendre les débuts du daguerreotype de Louis Daguerre vers 1840 pour que les temps d’exposition diminue drastiquement atteignant ainsi quelques minutes. Talbot, pendant ce temps là, travaillait une version bien plus rapide du papier salé : le calotype, utilisant des sels d’iodure d’argent et un révélateur (de l’acide gallique et du nitrate d’argent). Mais alors, pour le daguerreotype ou le calotype, il n’était déjà plus question d’observer l’image directement sur le papier sensible, on parlait déjà d’image latente et de développement. Alors que Talbot se spécialisait dans les solutions à coucher sur papier, Daguerre lui, travaillait des plaques de cuivre avec de l’iode, de l’argent et du mercure (sympa niveau toxicité…). Le daguerrotype était un procédé permettant d’obtenir une image positive mais malheureusement il n’était pas possible contrairement au callotype de Talbot de reproduire l’image. L’autre avantage du callotype associé au papier salé de Talbot, est que le papier sensibilisé au AgCl était quasiment insensible à la lumière et pouvait être stocké longtemps. Il est alors devenu la technique économique et facile à utiliser pour réaliser des positifs à partir de négatifs transparents. Le tirage du positif par papier salé est devenu partie intégrante du procédé complet de calotypie. Cette technique est un peu l’ancêtre de nos tirages papier d’aujourd’hui. Alors que le daguerreotype est devenu célèbre rapidement, le calotype, lui, a été breveté par Talbot en 1841, ce qui limita pour un temps sa diffusion.

Et pour commencer, une petite vidéo!

C’est quoi le principe ?

La photographie utilise la propriété de certains produits chimiques à se transformer en présence de lumière (exposition aux rayons UV) pour fixer une image. La photographie argentique, comme son nom l’indique, se base sur la formation d’argent métallique. Dans le cas du papier salé et du calotype, il s’agit plus exactement de jouer sur les propriétés photochimiques des halogénures d’argent : chlorure d’argent, bromure d’argent ou iodure d’argent. C’est eux qui vont foncer à la lumière et donner nos fameuses nuances de noir, de marron, …

La technique du papier salé se base sur l’utilisation du chlorure d’argent (schéma ci-dessus). Pour préparer une feuille sensible, il va falloir la recouvrir de chlorure d’argent. Le hic, c’est qu’il est impossible de préparer une solution de chlorure d’argent dans de l’eau pour en badigeonner une feuille de papier, car AgCl est insoluble dans l’eau. Pas de problème, les chimistes de l’époque, comme notre ami William Henry, avait trouvé la solution, préparer deux solutions de sels solubles dans l’eau : le chlorure de sodium (le sel de table) et le nitrate d’argent, qui une fois en contact sur la feuille de papier vont réagir pour donner du chlorure d’argent. Le précipité d’AgCl sera piéger dans les fibres du papier. On dit que le papier sera notre matrice, comme peut l’être une pellicule en polyester, du collodion ou de la gélatine pour d’autres procédés.

solution de nitrate d’argent seul : peu sensible au soleil

ajout de sel de table et exposition au soleil : on voit noircir les sels d’argent

Préparation du papier salé

Le plus long dans la technique du papier salé, ce n’est pas de préparer les solutions, mais de sécher le papier car il doit être séché en tout trois fois! 😀 Heureusement, il n’est absolument pas interdit d’utiliser un sèche-cheveux pour aller plus vite. Seul petit bémol : attention à ne pas souffler directement l’air chaud sur votre papier humide pour ne pas créer des « trous » de sels dans votre feuille.

Si vous êtes patients, je vous recommande fortement de préparer sur plusieurs jours : une nuit pour sécher le papier avec NaCl, une autre nuit pour sécher avec le nitrate d’argent dessus. Vous serez sûrs d’obtenir une couche sensible bien dense et bien sèche.

Nous allons procéder ainsi :

  • Etape 1 : Préparer une solution d’eau salée tiède (40°C) dans une cuvette, immerger nos papiers plusieurs minutes afin qu’ils s’imprègnent de NaCl puis les sécher (ou les laisser sécher à l’air libre).
  • Etape 2 : Ensuite il faudra y déposer la solution de nitrate d’argent (soit avec un pinceau, soit en immergeant de nouveau la surface des feuilles dans une cuvette contenant la solution). Des sels d’AgCl précipitent alors dans les fibres du papier.
  • Etape 3 : Le papier devient sensible à la lumière! Il va falloir de nouveau le laisser sécher ou bien le sécher avec un sèche-cheveux.
  • Etape 4 : Nous sommes prêts pour exposer notre papier à la lumière! Et observer les sels qui se foncent…
  • Etape 5 : Enfin il faudra rincer à l’eau notre papier pour éliminer les sels de AgCl qui n’ont pas réagit et fixer à l’hyposulfite de sodium. Dernière étape assez longue.

 

  • Préparer les solutions et le papier sensible

Tout d’abord, vous allez devoir vérifier que vous avez bien tout le matériel. Les produits que vous allez utiliser ne sont pas toxiques, mais peuvent vous tacher (vous noircir les mains). Utilisez donc des gants quand vous pesez le nitrate d’argent ou quand vous utilisez vos solutions. Travaillez plutôt dans une pièce sans lumière du jour et avec une lumière artificielle atténuée. Enfin, il est important d’utiliser plutôt de l’eau déminéralisée ou distillée plutôt que de l’eau du robinet qui contient des sels minéraux. Vous en trouverez dans les supermarchés au rayon produits d’entretien et repassage.

Vous n’aurez besoin pour cette technique que de très peu de produits chimiques : nitrate d’argent et hyposulfite de sodium. Vous pouvez vous les procurér chez Disactis comme d’habitude. Attention! Le nitrate d’argent est un peu cher et toutes les eaux que vous aurez souillées avec doivent être récupérées dans un bidon. On ne jette aucune solution dans l’évier!

Préparation de la solution d’eau salée

Tout d’abord remplissez une casserole avec 1L d’eau déminéralisée et faites la chauffer. Puis ajoutez 20g de sel de table dans la casserole. Versez ensuite cette eau salée chaude dans une cuvette un peu plus grande que votre feuille de papier. Vérifiez la température avec un thermomètre : il ne s’agit pas de vous bruler! Elle doit être à peu près à 40°C.

Du sel de table fera très bien l’affaire

pesez 20g de sel pour 1 litre d’eau distillée

 

 

 

 

Remplir la cuvette d’eau chaude et salée

Contrôler la température : environ 40°C

Prenez ensuite votre feuille de papier type papier canson et plongez la dans l’eau salée. Vérifiez qu’il n’y a pas de bulles. Laissez la flotter ainsi 3 minutes environ puis sortez la. Égouttez la grossièrement et faites la sécher avec une pince à linge sur un fil. Quand elle sera un peu plus sèche, vous pouvez la sécher au sèche-cheveux.

Plonger la feuille de papier dans le bain salé

Préparation de la solution de nitrate d’argent

Maintenant que votre feuille salée est sèche. Nous allons y déposer la solution de nitrate d’argent. Deux possibilités : préparer une « cuvette » de solution où nous allons plonger de nouveau notre feuille de papier, ou bien préparer une plus petite quantité de solution et l’ajouter au pinceau. La deuxième possibilité est plus économique en nitrate d’argent qui est un composé assez cher. J’ai donc opté pour cette option!

Ma solution de nitrate d’argent n’est pas très sensible à la lumière

Pour préparer la solution de nitrate d’argent, je pèse avec des gants 10g d’AgNO3 puis 0,5g d’acide citrique dans un bol (ci-dessus). J’ajoute ensuite 100 ml d’eau distillée et je mélange pour obtenir une solution bien homogène et aucun cristal insoluble.

Ici, une variante existe! Vous pouvez également peser 100g de nitrate d’argent, préparer 1 L de solution et la placer dans une cuvette. Enfin totalement immerger votre papier salé ou bien le laisser flotter sur la surface de votre solution afin qu’il s’imprègne de votre solution d’argent. Deux inconvénients à cela : la quantité de nitrate d’argent utilisée est plus conséquente et votre NaCl va légèrement se dissoudre dans votre nouveau bain. Mais à vous de tester!

Je vais pouvoir maintenant badigeonner la feuille salée avec cette solution à l’aide du pinceau. Attention : placez vous dans une pièce à la lumière faible car vous allez former des sels de chlorure d’argent, bien plus sensible que le nitrate d’argent.

On badigeonne la solution de nitrate d’argent au pinceau en lumière faible

Votre papier sensibilisé où l’on distingue un précipité blanc à la surface : le chlorure d’argent AgCl

  • Préparer vos négatifs

Le papier salé est un procédé négatif. Vous allez donc devoir imprimer des négatifs de vos images à tirer de la taille que vous désirez sur des feuilles transparentes afin d’en obtenir des positifs. Je vous explique comment faire dans le procédé cyanotype. Vous aurez également besoin d’un dispositif pour maintenir fermement le négatif  sur la surface sensible. Pour ma part, j’utilise un cadre photo avec une vitre en verre. Cela maintient très bien le négatif bien en contact avec la feuille de papier sensible.

  • Exposition à la lumière

En lumière faible et après avoir vérifié que votre papier est bien sec « à coeur », placer votre négatif, le papier sensibilisé et maintenez les fermement l’un contre l’autre. L’idéal, c’est d’utiliser un cadre photo. La lumière passera à travers le verre et le papier sensible sera bien en contact avec le négatif. Si ils ne sont pas bien maintenus ensemble ou qu’il « gondole », vous allez perdre en netteté des détails. votre image paraîtra « floue ».

Exposition au soleil

Maintenant vous allez pouvoir exposer au soleil votre montage : soit en plein soleil, soit légèrement à l’ombre. Comptez des temps différents : de 5 à 15 minutes et en fonction de la luminosité ambiante et de la saison. Au fur et à mesure votre papier va prendre de jolies couleurs rouge-brun, comme sur l’image ci-dessous. Contrôlez l’intensité et arrêtez vous quand vous le souhaitez. Sachez cependant que l’intensité diminuera un peu au rinçage/fixage.

Après 15 minutes à l’ombre mais par une journée ensoleillée du mois de mai

Vous pouvez maintenant retournez dans une pièce sombre, enlever le négatif et admirez le résultat! Des tons chauds et de très jolis détails.

On enlève le négatif

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Et on enlève le négatif!

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

  • Rinçage et fixage

Le rinçage et le fixage sont très importants pour que votre tirage perdure dans le temps! Vous allez donc devoir y faire très attention. Sinon? Votre tirage continuera de foncer à la lumière et vous perdrez totalement vos contrastes. Prévoyez deux cuvettes : une remplie d’eau distillée et une qui contiendra la solution de fixateur. Tout d’abord, nous allons remettre les gants et peser 200g d’hyposulfite de sodium. Placez vous ensuite dans une pièce bien aérée pour jeter l’hyposulfite de sodium en pluie dans votre cuvette contenant un litre d’eau distillée. L’hyposulfite de sodium peut avoir une odeur légèrement entêtante. Une fois terminé, n’oubliez pas de récupérer votre bain dans votre bidon de récupération. On ne jette toujours rien à l’évier! 😉

Peser l’hyposulfite de sodium avec des gants

La cuvette de gauche contiendra de l’eau claire pour rincer et celle de droite la solution de fixateur. Dans un premier temps, nous allons rincer notre tirage en le laissant flotter dans notre cuvette d’eau claire. Vous allez alors voir apparaître un précipité blanc : il s’agit du chlorure d’argent qui n’a pas réagit. Votre tirage est encore fragile, manipulez le délicatement. Mais attention, vous devez absolument rincer votre tirage jusqu’à ce que l’eau soit totalement claire. Videz votre cuvette et recommencez plusieurs fois. Il ne doit plus rester de sels d’argents sensibles à la lumière.

Les deux cuvettes pour le rinçage et le fixage

Précipité de sels d’argent après rinçage

Couleurs obtenues après rinçage abondant à l’eau claire

Maintenant, il va falloir de nouveau plonger notre tirage dans notre bain fixateur et le laisser 8 à 10 minutes. Agitez de temps en temps la cuvette.

On plonge ensuite le tirage dans l’hyposulfite de sodium pour fixer le tirage. Temps de fixage : 8 à 10 minutes

Couleurs obtenues dans le bain de fixation

Enfin, nous allons terminer cette longue étage de rinçage/fixage par un rinçage à grande eau de 15 minutes. Ce dernier rinçage sert à enlever l’hyposulfite de sodium en excès qui risquerait de complètement jaunir votre tirage.

Dernier rinçage de notre tirage : 15 minutes

Voilà, c’est terminé! Vous allez pouvoir laisser sécher une dernière fois votre tirage et admirer les résultats!

Tirage au papier salé : terminé!

Pour aller plus loin :

Petite chronologie des surfaces sensibles — photo chroniques

1824 Premiers essais de « photographie ” par Nicéphore Niépce (Héliographie au bitume de Judée). Images non conservées. 1827 « Le point de vue du Gras » par Nicéphore Niépce. Première photographie connue. 1829 Contrat entre Nicéphore Niépce et Louis Daguerre. 1832 Physautotype de Niépce et Daguerre. 1833 Décès de Nicéphore Niépce 1839 Daguerréotype. Présentation à la chambre […]

via Petite chronologie des surfaces sensibles — photo chroniques

L’aventure Foca

Photo chroniques

Lorsque apparait le premier Foca il fait sensation dans le monde des faiseurs d’images. Imaginez : nous sommes en 1945, la guerre n’est terminée que depuis quelques mois et une entreprise française, n’ayant jamais produit d’appareils photographiques, lance sur le marché un appareil photo haut de gamme, comparable aux références du marché que sont alors les Leica et les Contax.Comment une telle performance est-elle possible ? Qui est OPL, cette entreprise hier encore inconnue du grand public et qui se positionne, du jour au lendemain, au même niveau que les monstres sacrés de la photo ?

2016-01-07-18_800« Optique et Précision de Levallois », en abrégé OPL, a été fondée et est dirigée par Armand de Gramont ci-devant Duc de Gramont. Le Duc de Gramont est un personnage étonnant, à mi-chemin entre le 19ème et le 20ème siècle, un aristocrate, membre de la haute société, un vrai personnage des romans de Proust et d’ailleurs un ami…

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Garry Winogrand

Image3911eEnfin! J’ai réussi à voir l’expo « Garry Winogrand » au Jeu de Paume, place de la Concorde à Paris. Il faut dire que cette exposition n’a pas désemplie du 14/10/2014 au 08/02/2015. Il faut croire que la publicité format géant dans les rames de métro et les stations RER a donné envie! Un clin d’oeil justement à la Street Photography?

Winogrand métroGARRY WINOGRAND au Jeu de Paume 

Véritable explorateur du quotidien, Garry Winogrand (1928-1984) fut le photographe des rues américaines de l’après-guerre. Ses photographies sont pleine de réalisme, de poésie et d’humour. On y trouve mélangés : des hommes d’affaires, des sportifs renommés, des femmes, des manifestants, des ouvriers, des animaux, des fêtards… Autant de spectacles pour nous qui représentent de façon emblématique ce qu’est la ville!


Un New-Yorkais spectateur de l’Amérique

  • Du bronx à Manhattan

  • C’est l’Amérique que j’étudie

  • Splendeur et Déclin

Gary Winogrand : un style

  • Mon cours Yellow Korner


Un New-Yorkais spectateur de l’Amérique

Garry Winogrand a silloné les Etats-Unis pendant les décennies d’après-guerre. Son oeuvre s’étend de Manhattan à Santa Monica, du grand évènement au détail de la rue. Figurant parmi les plus grands photographes de la ville, il a mis son art au service de la photo du quotidien, convaincu que l’ordinaire, pourvu qu’on se donne la peine de le photographier rèvèle tout un univers. D’abord photographe lisse au service des magazines, il devient ensuite plus moqueur.

Cette exposition est la plus vaste à ce jour et se décline en trois parties : « Du Bronx à Manhattan » de 1950 à 1971, « C’est l’Amérique que j’étudie » même période, « Splendeur et déclin » fin de son oeuvre.

Winogrand fête

Du Bronx à Manhattan

New-York, ville natale de Winogrand est aussi son principal lieu de travail jusqu’en 1971. Bien qu’originaire du Bronx, il a réalisé la grande majorité de ses photos à Manhattan entre le grand magasin Macy’s et Central Park. Elles couvrent les années 50, puis l’optimisme et la prospérité des années 60. ST1998.0587 01_b02

A ses débuts, New York est pour Winogrand une grande scène populaire où les drames se succèdent sans interruption, scénographiés ou improvisés, comiques ou tragiques. Winogrand s’est interessé toute sa vie à la politique, mais là aussi en tant que spectacle. Des années 50 à 76, il aura photographié tous les présidents et vice-présidents de chaque gouvernement.

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« Parfois, c’est comme si […] le monde entier était une scène pour laquelle j’ai acheté un billet. Un grand spectacle qui m’est destiné, comme si rien ne se produirait si je n’étais pas sur place avec mon appareil. »

C’est l’Amérique que j’étudie

C’est au début des années 50, que Winogrand commence à voyager hors de New York. Très vite il s’intéresse à la nouvelle culture des banlieues, et il visitera plusieurs fois des villes en expansion telles que : Houston, Dallas et Los Angeles. Il a été séduit par les cow-boys et par l’extravagance d’Hollywood.

winogrand-discoGW11-2Mais il évoque son désarroi en découvrant que les idéaux des Américains sont bâtis sur des fantasmes et des illusions. Sous son regard tout se confond : beauté et chaos, ridicule et profondément sérieux.

originalLes références explicites à la guerre du Vietnam sont rares. Néanmoins, il s’est attaché à photographier dans les aéroports les soldats qui rentraient dans leur foyer. Il était convaincu qu’une photographie ne pouvait pas changer le monde, ni même l’expliquer.

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Splendeur et déclin

Tandis que s’achèvent les années 60, Winogrand quitte New York d’abord pour Chicago puis Los Angeles. Il veut approfondir ses recherches dans l’Ouest. Il continue de photographier des parades touristiques, des rodéos, des matchs de foot et des aéroports. Mais la tonalité de son oeuvre a changé : la jubilation n’y est plus.

garry-winogrand cow boys

En 1984, il apprend qu’il est atteint d’un cancer généralisé et que ses jours sont comptés. Il laissera près de 6600 rouleaux de pellicules qu’il n’a jamais examiné et beaucoup plus dans lesquelles seulement quelques images ont été sélectionnées à la hâte. GARRY-WINOGRAND-le baiserBref : une expo super! On ne peut pas s’empêcher de sourire de drôlerie ou de tristesse devant ce regard porté sur une amérique chaotique et extravagante!

14-BIG 5942080451_082b63d3ce_b-Custom-2 e7f6933825231e9d6da8450433be0626 Garry Winogrand : un style

Maintenant je vous emmène dans le cours que j’ai suivi à Yellow Korner sur Garry Winogrand! Il s’agit de « Masterclass » dans les magasins eux-mêmes. Durée : 1h! YellowKorner-MasterclassC’était la première fois que j’assistais à un « cours » de l’histoire de la photographie. Après un petit dérapage niveau micro et réglage de la sono dans le magasin YellowKorner de Pompidou, Guillaule Le Gall, maître de conférences en hisoire de l’art nous a introduit la photographie américaine documentaire de Winogrand.

Ma première impression? J’ai ri! Mais alors j’ai ri! Intérieurement bien-sûr… j’étais au premier rang!

Pourquoi j’ai ri? Et bien parce que pour mon esprit un peu trop scientifique, la photographie, c’est de l’art, des émotions et c’est assez bizarre de se l’entendre décortiqué comme ça… Soit! Passé le sourire de cette « dissection », voyons ce que j’ai appris…

Garry-Winogrand-Houston-1964_portrait_w858Les photos de Winogrand se caractérisent par « l’étrangeté » qui s’y dégage. Souvent, ses photos sont décadrés, ou bien de travers, ce qui provoque chez nous une angoisse, une inquiétude. Voulait-il par là, dénoncer une désagrégation nationale? Il étudie les relations sociales, de manière brutale. Il utilise le « close up« , ce cadrage très serré sur le sujet, donnant l’impression que l’on est avec lui. Le premier plan est souvent flou! Les images de  Winogrand sont à prendre au premier degré. Loin de lui, l’idée de faire passer un message recherché. Contrairement à d’autres photographes comme Cartier-Bresson, pas d’instants décisifs ou d’élaboration de l’image parfaite. Elle est brut, instantanée. D’ailleurs c’est une des choses qui m’a frappée dans l’expo : tant de photos floues et décadrées!!!

Winogrand close upMême si Winogrand ne cherche pas à dénoncer à proprement parler, il y arrive car ses photos provoquent en nous l’étonnement, la surprise et surtout l’humour noir. On ne peut rester indifférent face à la cruauté des relations hommes-animaux, l’aliénation de la vie moderne dans les grands rassemblements, etc.

Winogrand_Rhino

Nous avons aussi compris quelles étaient les références de Garry Winogrand dans son oeuvre. Walker Evans aurait inventé le style documentaire. La bible de l’époque (1938) est alors « American Photographs ». On l’appelle la Straight photography, direct, sans décor, brutale. La photo ci-dessous dans le métro date de 1938. art-walker-evans-subway-portrait

Le livre « Labor Anonymous » de 1946 l’aurait également beaucoup inspiré. Mais parmi ses inspirations, on compte aussi Dan Weiner ou notre français H. C-B.

labor-anonymous

Robert Franck en 1958 répond à W. Evans avec son oeuvre « les américains » décrivant un pays mélancolique.

franck the americansEnfin, on pourra aussi citer : Lee Frielandler décrivant une amérique un peu bizarre…

Friedlander lee_friedlander_TVEt puis dans le genre Freaky, on peut bien-sûr citer Diane Arbus! Parce qu’elle, elle maitrise carrément les photos de « gueules ». Taper juste « Diane Arbus »+Freak sur google : y’a du monstre en veux-tu en voilà quand même…

Diane Arbus Twins

En conclusion : je suis très contente de cette exposition ET de ce cours. Merci beaucoup Fannie! Je vous conseille ces cours. Ils vous apportent un éclairage différent, un peu comme si vous vous faisiez une expo avec un pote tiens! On lance un débat, on est pas toujours d’accord mais dans tous les cas, on en sort inspiré et on apprend beaucoup de choses. Une belle expérience. A refaire.

Allez un petit freaky,mais mignons! Pour vous laisser des images rigolotes en tête ahahah…

Diane Arbus Quote

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diane_arbus_ diane arbus Freak