La photographie de Mélanie-Jane Frey

Mélanie-Jane Frey a ce grain de folie, cette spontanéité et cette énergie débordante qui la rend à part entière! Tellement dynamique et talentueuse qu’elle a a déjà vécu mille vies! Après 20 ans comme grand reporter photo-journaliste à photographier des sujets aussi diverses que les campagnes présidentielles de 2002, 2007 et 2012 pour des grands journaux comme Le Monde, Le JDD ou Marianne, l’islamisation des femmes en Irak ou le Sida en Côte d’Ivoire, elle se recentre aujourd’hui sur sa démarche artistique et devient une spécialiste hors-pair des procédés anciens. Elle crée son studio « Studio Ambrotype & Co » en 2017 dans le quartier de Belleville et propose des séances de portraits originales aux sels d’argent. Retour à un travail manuel, aux techniques historiques. Elle travaille principalement le collodion humide sur plaque de verre ou d’aluminium avec une chambre photographique (procédé datant du 19ème siècle). Mais ce n’est pas tout ! Elle court aussi des festivals comme celui de « Celebration Days Festival » cette année à Cernoy (une sorte de Woodstock moderne), propose des Masterclass en ligne, mais aussi des stages collodion humide! Aujourd’hui je vous propose de la suivre, d’écouter son point de vue sur la photo numérique et argentique, la place de la femme en photo, et de profiter de son talent de pédagogue autour d’une interview qu’elle m’a si gentiment accordée cet été !

Qui est Mélanie-Jane Frey ?

Mélanie-Jane Frey débute la photo à 13 ans. A 17 ans, elle travaille déjà pour la presse! Elle côtoie le milieu des professionnels de la photographie lors d’un stage à l’agence Magnum à Paris. Oui oui rien que ça! Mais Mélanie-Jane est aussi attirée par les liens sociaux, les relations humaines, l’Histoire. Elle veut être témoin des changements historiques et immortaliser ce qui est éphémère ou va disparaître. Elle est naturellement attirée par le métier de journaliste. Elle fera des études d’Histoire (Paris – Sorbonne) – options Sciences Politiques et Histoire de l’Art (diplomée en 1997). Mais la photo ne la quitte pas pour autant. Bien au contraire! La créativité sera toujours une composante essentielle de sa vie. Elle gardera une dimension artistique et mêlera Histoire et photo : elle deviendra photo-journaliste. Elle fera ensuite ses débuts (1999-2001) comme correspondante à Rome en Italie et au Vatican où elle apprend les rudiments du métier auprès de la presse internationale mais de façon autodidacte.

FACING GOD – Mélanie-Jane FREY (c)

Portraits de personnalités et hommes politiques

Rapidement, ses compétences de photographe et son regard particulier sont employés par des entreprises et des ONG qui cherchent des images de qualité et originales pour communiquer sur leurs activités et leurs équipes. De retour à Paris en 2001, elle couvre sa première élection présidentielle en 2002 puis en 2007 et 2012, notamment pour le Figaro Magazine, Le Monde, le JDD et Marianne… La presse française et internationale l’emploie pour la photo politique, les portraits de personnalités, et le grand reportage.

Le Dalaï-Lama – Mélanie-Jane FREY (c)

Karl Lagerfeld – Mélanie-Jane FREY (c)

Photo-reporter

Elle porte en 2002 un regard sur l’islamisation des femmes en Irak pour un portfolio de 15 pages en noir et blanc dans le magazine Marie-Claire – Italie, puis des voyages en Afghanistan pour travailler sur l’espoir post-Massoud, et beaucoup de reportages en France sur la dégradation du tissu social entre 2004 et 2007.

BORN WITH MASSOUD – Mélanie-Jane FREY (c)

UGANDA – Mélanie-Jane FREY (c)

« Tchadors in Irak » – Mélanie-Jane FREY (c)

Mélanie-Jane Frey travaille ensuite sur le Sida en Côte d’Ivoire, les femmes d’affaire africaines, les enfants du Tsunami, l’Église catholique et la chrétienté en Europe, ainsi que sur la problématique des banlieues. Pour le Grand Prix Humanitaire du magazine Madame Figaro, elle couvrait chaque année les aventures humanitaires de femmes d’exception. Pour le magazine La Vie, pendant 15 ans, elle produit des reportages et des portraits axés sur les problématiques sociales et la religion. Elle sera responsable d’une rubrique hebdomadaire texte et photo intitulée « C’est Ma Foi » de 2013 à 2015.


Le partage des connaissances et la place de la femme en photo

Mélanie-Jane me confie les difficultés qu’elle a rencontrées en voulant apprendre le métier dans un monde très masculin où les « techniques » ne se communiquent pas et où les femmes sont plutôt devant l’objectif que derrière. Le savoir technique serait-il le paroxysme du pouvoir dans le milieu de la photo ? Quelle parade jouer alors lorsqu’on est une jeune femme qui souhaite progresser de façon autodidacte ? Faut-il afficher son plus beau sourire et papillonner des yeux (je reste soft) pour obtenir quelques conseils de pro ? Ou bien se résigner ? Dans la langue française (sans faire un débat sur l’écriture inclusive), nous employons bien l’article : LE, LE photographe. Salon de la Photo Porte de Versailles à Paris : même constatation, et cela chaque année. Les femmes sont autant sur les podiums qu’au Salon de l’Auto et rarement à tester l’appareil dernier cri en se pavanant. Même si les femmes photographes sont de plus en plus présentes dans le milieu et aussi recherchées, notamment pour leur sensibilité particulière (à tort ou à raison ? la sensibilité n’est pourtant pas genrée), elles sont encore très peu représentées dans les expositions. Parti pris des commissaires d’exposition qui à compétences égales, choisiront plutôt d’exposer des hommes que des femmes, me dit Mélanie-Jane Frey. Et qu’en est-il des workshops et des formations : les femmes sont-elles reconnues pour leur pédagogie ? Pas vraiment non. Même combat. Mélanie-Jane constate que les hommes sont peu nombreux à suivre ses formations qui demandent un lien de communication directe avec la « formatrice », aussi compétente et réputée soit-elle. Pourtant, lorsque les cours sont en ligne, la proportion d’hommes augmente. Serait-ce juste une histoire d’égo ? Elle n’est pas la seule à me témoigner ce manque de partage ET la difficulté supplémentaire d’être une femme qui souhaite partager. Une femme doit-elle être forcément meilleure qu’un homme pour gagner la même place ? Mélanie-Jane est assurément une POWER-WOMAN m’affirme Sidney Kapuskar, qui connait bien le milieu. Se résigner, il n’en est évidemment pas question pour Mélanie-Jane qui serait plutôt du genre à chercher de nouvelles idées : pour attirer les hommes dans ses formations grâce à des cours dématérialisés et pour exposer des femmes talentueuses (par elle-même en septembre dernier, exposition PREMIERS REGARDS à Belleville). Elle regrette le modèle anglo-saxon de mentor-élève qui permet de transférer le savoir et de favoriser les échanges. PARTAGE est aujourd’hui son maître mot ! Transmettre, communiquer et avec passion et pédagogie.  


Retour à l’essence créative : les procédés alternatifs

Tirage platine-palladium – Mélanie-Jane FREY (c)

Après 15 ans ans au service de la plupart des journaux et magazines de la presse française et internationale, ainsi que d’ONG tel que Medair for War Zone et d’institution diplomatique comme le Quai d’Orsay, Mélanie-Jane Frey décide d’explorer de nouvelles facettes de sa vocation de « faiseuse d’image » et s’immerge dans l’art contemporain. Depuis 2013, son travail se concentre sur les procédés alternatifs comme les tirages au platine-palladium, les cyanotypes ou le collodion humide.

L’exposition de ses ambrotypes : de la série « Cello » qui joue avec les ondes musicales, de son travail sur l’identité dans « Facing One’s Trueself » et de sa série d’intenses portraits de photographes de guerre pour l’exposition « Voir La Guerre Voir La Paix » sont exposés internationalement et ont reçu plusieurs prix.

Cello – Mélanie-Jane FREY (c)

En couleur au Polaroid elle présente : « My Magic Binoculars » des dyptiques aux allures de longues vues qui questionnent sur la mémoire de l’enfance, et où elle nous permet d’observer dans sa relation avec sa propre fille, la fugacité du souvenir et la lutte infatigable pour retenir l’instant présent.

My Magic Binoculars – Mélanie-Jane FREY (c)


Le passage de l’argentique au numérique

Question bête de novice : comment s’est ressenti l’explosion du numérique dans le milieu des reporters pro qui travaillaient avec des appareils 24X36 argentiques ? Bien entendu que la qualité n’était pas au rendez-vous les premières années, me répond Mélanie-Jane. Incomparable. Les photographes ont dû s’équiper rapidement en appareils très chers et surtout en logiciels, ce qui était nouveau à l’époque. Il a fallu repenser complètement le métier, notamment en y incluant l’ informatique. L’editing , c’est-à-dire le tri, le classement et l’archivage des photos aussi a été révolutionné chez les pros. Bien-sûr le gain de place a été un gros point fort. Ce qui a changé, c’est aussi les délais imposés par le client, me dit-elle. Alors que les pellicules (qui étaient très chères) étaient payées par le client et avaient besoin d’être développées dans un labo photo pour faire des planches contact (attente de quelques jours), le numérique a raccourci les délais. A tel point que les photographes qui demandaient un délai de deux jours pour le labo passaient pour des nigauds me dit-elle.


Stage au collodion et identité visuelle

En 2017 elle ouvre son studio à Paris dans le quartier de Belleville, le Studio Ambrotype & CO, principalement consacré à la technique du collodion humide et des procédés anciens alternatifs.

https://vimeo.com/242732279

Espace de travail pour ses futures créations, le Studio Ambrotype & CO propose aussi des prises de vue pour la création d’identités visuelles et de photographies d’exception.


Mélanie-Jane et le collodion

C’est après avoir été malade que Mélanie-Jane s’inscrit à un stage de collodion de plusieurs jours. Même si le formateur n’était pas le meilleur pédagogue du monde (d’ailleurs elle ne se souvient plus de son nom), elle a un vrai coup de foudre pour le procédé. Et Mélanie-Jane est du genre à rêver toutes les nuits de ses nouveaux projets tant elle les vit avec passion. Mais pourquoi tant d’attraction ? Maîtriser le procédé du début à la fin, y mettre les mains, prendre son temps, apprécier les accidents qui rendent chaque image unique rendent ce procédé complètement magique, me dit-elle. Eloge de la slow photography ? Non pas vraiment, c’est un terme de hipster ça, pas vraiment pour elle. Elle reconnait cependant que le rapport à l’image a aujourd’hui changé. On prend une photo avec son téléphone, c’est instantané. Il y a évidemment des questions à se poser sur la façon de créer une image et le rapport au temps. Elle s’étonne d’ailleurs qu’aux dernières Journées Portes Ouvertes à Belleville certains des stagiaires venus au Studio Ambrotype & Co se sont émerveillés de l’expérience de la prise de vue à la chambre, du tirage sur la plaque de verre et du rendu mais… ne sont pas revenus chercher leur plaque ! Evidemment, ils avaient pris une photo avec leur téléphone… Mais quand est-il de l’objet artistique ? N’a-t-il plus d’importance ? Son dernier coup de foudre : l’autochrome. Les procédés anciens la passionnent définitivement. Elle souhaite que l’on puisse continuer de les faire vivre. Et n’est-il pas de meilleur moyen que de les enseigner ? Mais attention, pas n’importe comment. Mélanie-Jane refuse le purisme radical. Faire perdurer les procédés anciens oui, mais au dépit du bon-sens et de la création artistique profonde non. Les procédés anciens doivent avant tout être un outil pour le créatif. Les puristes qui ne veulent utiliser que des vernis anciens originaux qui abîment les tirages et les colorent juste parce qu’ils sortent de vieux grimoires : très peu pour elle.

Et les chimistes au labo Studio Ambrotype & Co, ça fait des étincelles ?

Bien entendu que ma question était quelque peu orientée, étant chimiste moi-même. Il leur est forcément plus facile d’apprendre les techniques de base, me dit-elle. Ils sont rigoureux, ont des notions de préparation de solutions, de formulation. Ils ne rechignent pas non plus à appliquer les règles de sécurité. Et il y en a pas mal ! Mélanie-Jane utilise du cadmium, des dérivés de cyanure comme fixateur, de l’éthanol et de l’éther qui sont très inflammables. Le nitrate d’argent peut rendre aveugle. Le port du masque et des lunettes s’impose de lui-même. C’est un peu ce qui la retient de mettre  ses formations collodion « tout en ligne ». Et si l’interlocuteur était laxiste sur les règles de sécurité ? Comment s’adapter au public pour insister sur les points importants alors que l’on n’interagit plus directement avec eux ?


Mélanie-Jane : puissante pédagogue 

La pédagogie et surtout la notion de partage est proéminente chez Mélanie-Jane. Plus qu’une formation, elle propose aujourd’hui un vrai coaching. Pour elle, les procédés anciens et les techniques photographiques en général ne sont que des outils qui doivent être le support d’un projet et pas l’inverse. Un projet mûrit au cœur de nos sensibilités, de nos valeurs et de nos convictions. Il faut passer du temps sur le message que l’on veut faire passer pour monter un bon projet, me dit-elle. Et ensuite, il sera facile de trouver les outils qui s’y prêtent. Fin 2017, Mélanie-Jane Frey complète et finance ses activités et productions artistiques en dispensant des Masterclass Photo en ligne : www.mjfmasterclassphoto.com

Et cette année elle a même organisé une exposition : PREMIERS REGARDS à la galerie AAB à Belleville en septembre dernier avec les artistes photographes qu’elle a coachées. Des photographes pleines de créativité et de sensibilité. Voici un petit extrait ici :

Et c’est comme ça que j’ai été invitée pour une mini-conférence à la Galerie AAB de Belleville au milieu des artistes et visiteurs de l’exposition PREMIERS REGARDS! Quelle opportunité incroyable. Je la remercie encore chaleureusement!

Mélanie-Jane Frey et Analog You à l’exposition PREMIERS REGARDS

Sur la route de la politique

Dans « Homo Politicus », Mélanie-Jane Frey expose au Cellier à Reims des moments captés sur le vif des hommes politiques qu’elle a suivis. Elle surprend la chancelière allemande Angela Merkel qui vient de regagner la banquette arrière de sa voiture de fonction, l’ancien Président François Hollande dont le visage est caché derrière sa main levée, Valérie Pécresse espiègle lors d’une réunion publique, Jacques Chirac, tout sourire, dont des amis bienveillants réajustent le manteau au sortir d’une cérémonie officielle. MJF a couvert cinq élections présidentielles, des centaines de meetings ou conférences de presse pour lesquels des organes de presse lui commandaient des photos.

Sur la route par Julie Gacon : France Culture du 21/03/2014 (55 min) :

Avec le Général de Gaulle, finies les photographies au flash, il a fallu travailler en ambiance, suivre les politiques au naturel… tout en maintenant une certaine distance. Années Giscard : les barrières sautent, les réflexes changent. Hommes et femmes politiques laissent les objectifs s’approcher à moins d’un mètre… Leurs rapports avec les photographes sont plus simples, plus directs; il y a une certaine forme de jeu dans la relation entre celui qui prend la pose et celui qui la fixe. Quarante ans plus tard, comment se placent ceux dont la photographie politique est le métier ? A l’heure où chacun de nous peut prendre une photo, à la volée, de tel homme politique croisé au hasard d’une rue… Quelle est la place de ceux qui alimentent la presse, notamment, de portraits et de clichés pris sur le vif ? Démarche esthétique ou journalistique, comment envisagent-ils leur métier ? Comment éditorialisent-ils leurs photos à la manière d’un bon papier?

Suivre l’émission ici :
https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=25529d0d-b0b1-11e3-9d89-782bcb73ed47

« Voir la Guerre, Voir la Paix », War Reporters for Peace project

« Voir la Guerre, Voir la Paix » est une installation multimédia de Mélanie-Jane Frey. L’installation photo et vidéo comprend un mur de vidéo monumental et une exposition de portrait photo géants. Le visiteur chemine au rythme des témoignages de grands photographes de guerre venus du monde entiers, et de leurs visions de la paix. L’exposition photo comprend 25 portraits serrés de ces photographes dont 18 que l’on retrouve dans la vidéo.

« Les photographes de guerre fascinent et inspirent le respect. Ils bénéficient d’une sorte d’aura romantique qui vient appuyer leur légitimité à témoigner auprès d’un large public. » précise Mélanie-Jane Frey.

Réalisatrice et productrice du projet « War Reporters For Peace » avec le soutien des éditions CDP, de Visa pour L’image, et de Matphoto . – Exposition en 2018 pour le centenaire de la paix pour la Première Guerre Mondiale 14-18

Chacun des photographes interviewés confient leurs espoirs et leurs doutes quant à un monde de paix. Fort du témoignage de leur expérience du conflit, ce tête-à-tête avec ceux qui ont vu l’horreur de la guerre fait naître une réflexion profonde sur notre engagement dans le processus mondial de paix.  Les photographies ambrotypes réalisées à la chambre grand format avec le procédé du collodion humide rendent toute la profondeur et l’intensité des regards.

« C’est le procédé idéal pour ce projet qui me tenait à cœur depuis tant d’années. Pendant 20 ans j’ai travaillé comme photojournaliste et c’est en fréquentant tous ces photographes qui couvraient la guerre, que j’ai réalisé à quel point leur expérience avait un intérêt tout particulier pour ceux restaient bloqués dans leur quotidien : en ramenant jusqu’à nous les sauvageries et les horreurs de la guerre, ils nous font prendre conscience de sa réalité hors des films, des jeux vidéo ou des livres d’histoire. » explique l’auteur Mélanie-Jane Frey.

Réalisatrice et productrice du projet « War Reporters For Peace » avec le soutien des éditions CDP, de Visa pour L’image, et de Matphoto . – Exposition en 2018 pour le centenaire de la paix pour la Première Guerre Mondiale 14-18

Mélanie-Jane : une artiste incroyable à suivre et avec qui je vous conseille fortement d’échanger! bises les petits chats

A suivre : en novembre à l’occasion du Salon de la Photographie à Paris, Mélanie-Jane va lancer son blog :

www.histoiresdephotographes.com

Un blog pour les photographes avec des interviews des célébrités du milieu et des articles hors du commun sur les astuces et les techniques pour boostez votre talent, votre visiblité, votre notoriété et surtout votre plaisir (et fierté) d’être photographe.

Atelier Lomography X Analog You, le 5 août 2017

Atelier Lomography X Analog You le samedi 5 août 2017 

Lomography et Analog You s’associent pour vous faire mettre la main à la pâte! Venez apprendre à faire des procédés anciens. L’atelier aura lieu à la boutique Lomography Gallerie Store du Marais, 17 rue Ste Croix de la Bretonnerie, 75004 Paris. Pour 15 euros, apprenez à faire un cyanotype ou un Van Dike (procédés anciens de 1840) et repartez avec votre sac de plage fait maison avec vos petites mains et votre photo préférée. La séance dure maximum deux heures et vous pourrez même choisir quel moment de la journée vous arrange. 

 

C’est génial ! Comment faire pour s’inscrire ?

Rien de plus simple! Il suffit de remplir le formulaire de contact ci-dessous ou d’envoyer un mail à store.paris.marais@lomography.com avec vos préférences horaires. On vous répond tout de suite et vous pourrez ensuite envoyer la photo que vous souhaitez imprimer sur votre tote bag (résolution 300 dpi). A la boutique, on préparera un négatif à partir de votre photo. Et on vous attendra impatiemment pour vous voir à l’oeuvre. A très vite!

Pour suivre l’évènement sur Facebook, c’est ici.

Le papier salé

La technique du papier salé

Dans la grande famille des procédés anciens et plus particulièrement parmi ceux utilisant des sels d’argent, la technique du papier salé est une des plus simples. Mais attention, elle est légèrement plus complexe et plus longue à mettre en oeuvre que le cyanotype ou le procédé Van Dike. Pour le papier salé, vous n’aurez besoin que de deux produits pour préparer votre surface sensible (du sel de table et du nitrate d’argent) mais les étapes de séchage et les précautions à prendre peuvent être délicates. De plus, vous allez devoir fixer votre tirage pour ne pas qu’il continue à évoluer avec la lumière. Pour cela, un seul produit: de l’hyposulfite de sodium. Vous pourrez éventuellement ajouter de l’acide citrique (ou du jus de citron!) pour acidifier la solution de nitrate d’argent que vous aurez préparé. Le nitrate d’argent (26 euros les 25g) et l’hyposulfite de sodium (4,5 euros les 250g) sont disponibles facilement chez des revendeurs de produits chimiques pour labo photo (Disactis par exemple) et même dans certaines pharmacies (!). Il existe beaucoup de variantes de cette technique : avec gélatine, papier albuminé, iodé, noircissement au développement par l’acide gallique, etc. Nous ne verrons pas ces variantes ici. J’ai d’abord voulu tester la version la plus simple avant de monter dans la complexité! 

Un peu d’histoire

Henry Fox Talbot

William Henry Fox Talbot

En 1835, William Henry Fox Talbot réalisait ses premières photographies avec des sels d’argent et plus précisément avec du chlorure d’argent (AgCl) couché sur du papier. Le papier sensible était exposé à la lumière avec un appareil photo jusqu’à ce que l’image soit complètement visible sur le papier. Le temps d’exposition pouvait alors dépasser une heure. On obtenait alors une image en négatif. Puis à partir de ce négatif, on pouvait créer un positif selon le même procédé chimique par « tirage contact ». Le négatif papier pouvait même être enduit d’huile pour plus de transparence.

Il a fallu attendre les débuts du daguerreotype de Louis Daguerre vers 1840 pour que les temps d’exposition diminue drastiquement atteignant ainsi quelques minutes. Talbot, pendant ce temps là, travaillait une version bien plus rapide du papier salé : le calotype, utilisant des sels d’iodure d’argent et un révélateur (de l’acide gallique et du nitrate d’argent). Mais alors, pour le daguerreotype ou le calotype, il n’était déjà plus question d’observer l’image directement sur le papier sensible, on parlait déjà d’image latente et de développement. Alors que Talbot se spécialisait dans les solutions à coucher sur papier, Daguerre lui, travaillait des plaques de cuivre avec de l’iode, de l’argent et du mercure (sympa niveau toxicité…). Le daguerrotype était un procédé permettant d’obtenir une image positive mais malheureusement il n’était pas possible contrairement au callotype de Talbot de reproduire l’image. L’autre avantage du callotype associé au papier salé de Talbot, est que le papier sensibilisé au AgCl était quasiment insensible à la lumière et pouvait être stocké longtemps. Il est alors devenu la technique économique et facile à utiliser pour réaliser des positifs à partir de négatifs transparents. Le tirage du positif par papier salé est devenu partie intégrante du procédé complet de calotypie. Cette technique est un peu l’ancêtre de nos tirages papier d’aujourd’hui. Alors que le daguerreotype est devenu célèbre rapidement, le calotype, lui, a été breveté par Talbot en 1841, ce qui limita pour un temps sa diffusion.

Et pour commencer, une petite vidéo!

C’est quoi le principe ?

La photographie utilise la propriété de certains produits chimiques à se transformer en présence de lumière (exposition aux rayons UV) pour fixer une image. La photographie argentique, comme son nom l’indique, se base sur la formation d’argent métallique. Dans le cas du papier salé et du calotype, il s’agit plus exactement de jouer sur les propriétés photochimiques des halogénures d’argent : chlorure d’argent, bromure d’argent ou iodure d’argent. C’est eux qui vont foncer à la lumière et donner nos fameuses nuances de noir, de marron, …

La technique du papier salé se base sur l’utilisation du chlorure d’argent (schéma ci-dessus). Pour préparer une feuille sensible, il va falloir la recouvrir de chlorure d’argent. Le hic, c’est qu’il est impossible de préparer une solution de chlorure d’argent dans de l’eau pour en badigeonner une feuille de papier, car AgCl est insoluble dans l’eau. Pas de problème, les chimistes de l’époque, comme notre ami William Henry, avait trouvé la solution, préparer deux solutions de sels solubles dans l’eau : le chlorure de sodium (le sel de table) et le nitrate d’argent, qui une fois en contact sur la feuille de papier vont réagir pour donner du chlorure d’argent. Le précipité d’AgCl sera piéger dans les fibres du papier. On dit que le papier sera notre matrice, comme peut l’être une pellicule en polyester, du collodion ou de la gélatine pour d’autres procédés.

solution de nitrate d’argent seul : peu sensible au soleil

ajout de sel de table et exposition au soleil : on voit noircir les sels d’argent

Préparation du papier salé

Le plus long dans la technique du papier salé, ce n’est pas de préparer les solutions, mais de sécher le papier car il doit être séché en tout trois fois! 😀 Heureusement, il n’est absolument pas interdit d’utiliser un sèche-cheveux pour aller plus vite. Seul petit bémol : attention à ne pas souffler directement l’air chaud sur votre papier humide pour ne pas créer des « trous » de sels dans votre feuille.

Si vous êtes patients, je vous recommande fortement de préparer sur plusieurs jours : une nuit pour sécher le papier avec NaCl, une autre nuit pour sécher avec le nitrate d’argent dessus. Vous serez sûrs d’obtenir une couche sensible bien dense et bien sèche.

Nous allons procéder ainsi :

  • Etape 1 : Préparer une solution d’eau salée tiède (40°C) dans une cuvette, immerger nos papiers plusieurs minutes afin qu’ils s’imprègnent de NaCl puis les sécher (ou les laisser sécher à l’air libre).
  • Etape 2 : Ensuite il faudra y déposer la solution de nitrate d’argent (soit avec un pinceau, soit en immergeant de nouveau la surface des feuilles dans une cuvette contenant la solution). Des sels d’AgCl précipitent alors dans les fibres du papier.
  • Etape 3 : Le papier devient sensible à la lumière! Il va falloir de nouveau le laisser sécher ou bien le sécher avec un sèche-cheveux.
  • Etape 4 : Nous sommes prêts pour exposer notre papier à la lumière! Et observer les sels qui se foncent…
  • Etape 5 : Enfin il faudra rincer à l’eau notre papier pour éliminer les sels de AgCl qui n’ont pas réagit et fixer à l’hyposulfite de sodium. Dernière étape assez longue.

 

  • Préparer les solutions et le papier sensible

Tout d’abord, vous allez devoir vérifier que vous avez bien tout le matériel. Les produits que vous allez utiliser ne sont pas toxiques, mais peuvent vous tacher (vous noircir les mains). Utilisez donc des gants quand vous pesez le nitrate d’argent ou quand vous utilisez vos solutions. Travaillez plutôt dans une pièce sans lumière du jour et avec une lumière artificielle atténuée. Enfin, il est important d’utiliser plutôt de l’eau déminéralisée ou distillée plutôt que de l’eau du robinet qui contient des sels minéraux. Vous en trouverez dans les supermarchés au rayon produits d’entretien et repassage.

Vous n’aurez besoin pour cette technique que de très peu de produits chimiques : nitrate d’argent et hyposulfite de sodium. Vous pouvez vous les procurér chez Disactis comme d’habitude. Attention! Le nitrate d’argent est un peu cher et toutes les eaux que vous aurez souillées avec doivent être récupérées dans un bidon. On ne jette aucune solution dans l’évier!

Préparation de la solution d’eau salée

Tout d’abord remplissez une casserole avec 1L d’eau déminéralisée et faites la chauffer. Puis ajoutez 20g de sel de table dans la casserole. Versez ensuite cette eau salée chaude dans une cuvette un peu plus grande que votre feuille de papier. Vérifiez la température avec un thermomètre : il ne s’agit pas de vous bruler! Elle doit être à peu près à 40°C.

Du sel de table fera très bien l’affaire

pesez 20g de sel pour 1 litre d’eau distillée

 

 

 

 

Remplir la cuvette d’eau chaude et salée

Contrôler la température : environ 40°C

Prenez ensuite votre feuille de papier type papier canson et plongez la dans l’eau salée. Vérifiez qu’il n’y a pas de bulles. Laissez la flotter ainsi 3 minutes environ puis sortez la. Égouttez la grossièrement et faites la sécher avec une pince à linge sur un fil. Quand elle sera un peu plus sèche, vous pouvez la sécher au sèche-cheveux.

Plonger la feuille de papier dans le bain salé

Préparation de la solution de nitrate d’argent

Maintenant que votre feuille salée est sèche. Nous allons y déposer la solution de nitrate d’argent. Deux possibilités : préparer une « cuvette » de solution où nous allons plonger de nouveau notre feuille de papier, ou bien préparer une plus petite quantité de solution et l’ajouter au pinceau. La deuxième possibilité est plus économique en nitrate d’argent qui est un composé assez cher. J’ai donc opté pour cette option!

Ma solution de nitrate d’argent n’est pas très sensible à la lumière

Pour préparer la solution de nitrate d’argent, je pèse avec des gants 10g d’AgNO3 puis 0,5g d’acide citrique dans un bol (ci-dessus). J’ajoute ensuite 100 ml d’eau distillée et je mélange pour obtenir une solution bien homogène et aucun cristal insoluble.

Ici, une variante existe! Vous pouvez également peser 100g de nitrate d’argent, préparer 1 L de solution et la placer dans une cuvette. Enfin totalement immerger votre papier salé ou bien le laisser flotter sur la surface de votre solution afin qu’il s’imprègne de votre solution d’argent. Deux inconvénients à cela : la quantité de nitrate d’argent utilisée est plus conséquente et votre NaCl va légèrement se dissoudre dans votre nouveau bain. Mais à vous de tester!

Je vais pouvoir maintenant badigeonner la feuille salée avec cette solution à l’aide du pinceau. Attention : placez vous dans une pièce à la lumière faible car vous allez former des sels de chlorure d’argent, bien plus sensible que le nitrate d’argent.

On badigeonne la solution de nitrate d’argent au pinceau en lumière faible

Votre papier sensibilisé où l’on distingue un précipité blanc à la surface : le chlorure d’argent AgCl

  • Préparer vos négatifs

Le papier salé est un procédé négatif. Vous allez donc devoir imprimer des négatifs de vos images à tirer de la taille que vous désirez sur des feuilles transparentes afin d’en obtenir des positifs. Je vous explique comment faire dans le procédé cyanotype. Vous aurez également besoin d’un dispositif pour maintenir fermement le négatif  sur la surface sensible. Pour ma part, j’utilise un cadre photo avec une vitre en verre. Cela maintient très bien le négatif bien en contact avec la feuille de papier sensible.

  • Exposition à la lumière

En lumière faible et après avoir vérifié que votre papier est bien sec « à coeur », placer votre négatif, le papier sensibilisé et maintenez les fermement l’un contre l’autre. L’idéal, c’est d’utiliser un cadre photo. La lumière passera à travers le verre et le papier sensible sera bien en contact avec le négatif. Si ils ne sont pas bien maintenus ensemble ou qu’il « gondole », vous allez perdre en netteté des détails. votre image paraîtra « floue ».

Exposition au soleil

Maintenant vous allez pouvoir exposer au soleil votre montage : soit en plein soleil, soit légèrement à l’ombre. Comptez des temps différents : de 5 à 15 minutes et en fonction de la luminosité ambiante et de la saison. Au fur et à mesure votre papier va prendre de jolies couleurs rouge-brun, comme sur l’image ci-dessous. Contrôlez l’intensité et arrêtez vous quand vous le souhaitez. Sachez cependant que l’intensité diminuera un peu au rinçage/fixage.

Après 15 minutes à l’ombre mais par une journée ensoleillée du mois de mai

Vous pouvez maintenant retournez dans une pièce sombre, enlever le négatif et admirez le résultat! Des tons chauds et de très jolis détails.

On enlève le négatif

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Et on enlève le négatif!

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

Les couleurs rose-marron caractéristiques d’un papier salé avant rinçage/fixage

  • Rinçage et fixage

Le rinçage et le fixage sont très importants pour que votre tirage perdure dans le temps! Vous allez donc devoir y faire très attention. Sinon? Votre tirage continuera de foncer à la lumière et vous perdrez totalement vos contrastes. Prévoyez deux cuvettes : une remplie d’eau distillée et une qui contiendra la solution de fixateur. Tout d’abord, nous allons remettre les gants et peser 200g d’hyposulfite de sodium. Placez vous ensuite dans une pièce bien aérée pour jeter l’hyposulfite de sodium en pluie dans votre cuvette contenant un litre d’eau distillée. L’hyposulfite de sodium peut avoir une odeur légèrement entêtante. Une fois terminé, n’oubliez pas de récupérer votre bain dans votre bidon de récupération. On ne jette toujours rien à l’évier! 😉

Peser l’hyposulfite de sodium avec des gants

La cuvette de gauche contiendra de l’eau claire pour rincer et celle de droite la solution de fixateur. Dans un premier temps, nous allons rincer notre tirage en le laissant flotter dans notre cuvette d’eau claire. Vous allez alors voir apparaître un précipité blanc : il s’agit du chlorure d’argent qui n’a pas réagit. Votre tirage est encore fragile, manipulez le délicatement. Mais attention, vous devez absolument rincer votre tirage jusqu’à ce que l’eau soit totalement claire. Videz votre cuvette et recommencez plusieurs fois. Il ne doit plus rester de sels d’argents sensibles à la lumière.

Les deux cuvettes pour le rinçage et le fixage

Précipité de sels d’argent après rinçage

Couleurs obtenues après rinçage abondant à l’eau claire

Maintenant, il va falloir de nouveau plonger notre tirage dans notre bain fixateur et le laisser 8 à 10 minutes. Agitez de temps en temps la cuvette.

On plonge ensuite le tirage dans l’hyposulfite de sodium pour fixer le tirage. Temps de fixage : 8 à 10 minutes

Couleurs obtenues dans le bain de fixation

Enfin, nous allons terminer cette longue étage de rinçage/fixage par un rinçage à grande eau de 15 minutes. Ce dernier rinçage sert à enlever l’hyposulfite de sodium en excès qui risquerait de complètement jaunir votre tirage.

Dernier rinçage de notre tirage : 15 minutes

Voilà, c’est terminé! Vous allez pouvoir laisser sécher une dernière fois votre tirage et admirer les résultats!

Tirage au papier salé : terminé!

Pour aller plus loin :

Petite chronologie des surfaces sensibles — photo chroniques

1824 Premiers essais de « photographie ” par Nicéphore Niépce (Héliographie au bitume de Judée). Images non conservées. 1827 « Le point de vue du Gras » par Nicéphore Niépce. Première photographie connue. 1829 Contrat entre Nicéphore Niépce et Louis Daguerre. 1832 Physautotype de Niépce et Daguerre. 1833 Décès de Nicéphore Niépce 1839 Daguerréotype. Présentation à la chambre […]

via Petite chronologie des surfaces sensibles — photo chroniques

Le procédé Van Dyke

Le port de Calvi – procédé Van Dike – Kit Disactis et papier Bergger 320

John Frederick William Herschel

John Frederick William Herschel

Dès 1842, Sir John Herschel (1792-1871) avait découvert que la lumière pouvait transformer le citrate ferrique  ammoniacal en un état ferreux, et que cela pouvait être mis à profit pour créer des images permanentes par la  réduction d’un sel de métal noble quand il entre en contact avec les sels de fer. Il utilisa ainsi le pigment bleu de Prusse, le mercure , l’or et l’argent, pour mettre au point des procédés qu’il appela respectivement: cyanotypie, amphitypie, chrysotypie et argentotypie  (l’ancêtre du Van Dyke). Mais malheureusement, il ne continua pas ses recherches.

Ce ne fut qu’en 1889 que le Dr. W.W.J. Nicol développa et breveta la Callitypie (à base d’oxalate ferrique) et ses variantes, qu’il appela sans beaucoup d’originalité Kallitype I, II, et III (*: Kallitype en anglais, Callitype en français, du grec καλὸς – beau). Ces variantes faisaient appel à des sels tels que le citrate ferrique de soude, l’oxalate de potassium, l’oxalate ferrique, l’acide oxalique, ainsi qu’à différents produits révélateurs (informations tirées du livre de Christopher James, The Book of Alternative Photographic Processes, third edition, Ed : Cengage Learning).

En 1895, la firme Fabrik Technischer Papiere Arndt und Troost de Francfort breveta un procédé appelé  ῝Braundruckverfahren῎ permettant le tirage d’épreuves de teinte sépia. Ce brevet décrit un mélange de citrate de fer ammoniacal, de nitrate d’argent, d’acide tartrique et de gélatine. Cette formule a connu par la suite de nombreuses évolutions, dans lesquelles on a fini par abandonner la gélatine dès lors que les papiers modernes ont été encollés à la fabrication. En français, on parlera de ῝tirage bistre῎ (LP Clerc), ou tirage sépia.

Autoportrait d'Anton Van Dyck

Autoportrait d’Anton Van Dyck

Il faut noter que l’appellation ῝Brun Van Dyke῎ n’est apparue que bien plus tard, vers la fin des années 1930-début des années 1940. On ne connaît pas l’origine de cette appellation (certains pensent qu’elle fait référence à la palette de couleurs chaudes du peintre flamand Anton Van Dyck). Quoi qu’il en soit, elle est utilisée à tort pour le procédé qui nous intéresse ici, car le procédé ῝Vandyke῎ mentionné dans la littérature du début du 20e siècle visait une technique photo-lithographique pour la réalisation de cartes topographiques. Cette technique fut développée par Frederick Reginald Vandyke qui s’engagea au ῝Survey of India῎ (un organisme de cartographie) en 1889 et termina sa carrière comme directeur du Photo-Litho office en 1923.

Peu à peu, l’appellation ῝Brun Van Dyke῎ est devenu d’utilisation courante; le terme a été défini pour la première fois comme technique photographique fer-argent dans l’Encyclopaedia Britannica de 1961.

Réaliser des Van Dyke est vraiment facile, au moins aussi facile que sa variante : le cyanotype. Le développement s’effectue tout simplement à l’eau et il peut ensuite être fixé à l’hyposulfite de sodium. Le plus compliqué est de trouver les produits chimiques : eau distillée, acide tartrique, citrate de fer ammoniacal et nitrate d’argent (assez onéreux). Vous pouvez les commander sur le site de Disactis pour les procédés anciens. Ensuite, il va falloir vous munir du matériel du petit chimiste : éprouvette graduée, gants, trois flacons fumés et un grand flacon imperméable à la lumière (une bouteille de lait vide fera l’affaire). Vérifiez que vous avez une pièce isolée de la lumière du jour.

C’est quoi le principe?

Le Van Dyke est un procédé POP (Print Over Paper) tout comme le cyanotype, c’est à dire que vous déposez la solution sensible à la lumière sur un papier, un carton ou n’importe quelle surface. Vous ajoutez ensuite un négatif dessus (par exemple une feuille transparente sur laquelle est imprimé une image). On parle de tirage contact. En exposant le tout à la lumière, les zones noires du négatif deviendront claires sur votre papier et les zones claires les zones sombres (procédé négatif à positif). Comme écrit précédemment, la solution de Van Dyke est composé de Fe(III) et de sel d’argent.

Avant-Propos

Tout comme le cyanotype, il va vous falloir choisir les images que vous souhaitez imprimer et ensuite les transformer sur Paint ou Photoshop en négatif (voir plus loin). Voici quelques conseils et erreurs à éviter précifiques.

  • Des négatifs contrastés pour le Van Dike. Contrairement au cyanotype, qui est un procédé apportant beaucoup de contraste à vos tirages, le Van Dike est lui très très doux dans les contrastes. Comment choisir votre photo? Et bien deux possibilités : soit vous choisissez une photo déjà plus contrastée qu’une photo ordinaire, soit vous choisissez la photo que vous voulez mais vous poussez les contrastes sur Photoshop avant d’imprimer votre négatif. Dans tous les cas je vous conseille de faire des essais.
  • Du papier de qualité. Le nitrate d’argent rend ce procédé plus sensible à la lumière que le cyanotype. Préférez des supports papier à fort grammage, 100% coton et neutres afin d’éviter les zones de variations de teinte. Dans le commerce, vous en trouverez des plus ou moins chers en boutique de matériel artistique. A vous de choisir le rendu du papier que vous souhaitez : grain fin, grain torchon, etc. Personnellement je préfère le grain absent.

Papier Bergger 320g disponible chez Disactis 25 feuilles pour 16 euros

  • Propreté. Il faudra rester vigilent sur la propreté des outils, des surfaces de travail car sinon vous verrez apparaître des tâches indélibiles sur vos tirages! Oui oui j’ai testé!
  • Protégez vos mains. Le nitrate d’argent tâche énormément les mains. De plus, l’hyposulfite de sodium est irritant et doit être préférentiellement récupéré dans un bidon de récuprération des déchets.
  • Préférez les pinceaux mousse aux pinceaux à poils.
  • Rincez vos tirages avec délicatesse plutôt qu’au jet d’eau. Dans le cas contraire, vous risquez d’abîmer vos tirages. Préférez changer 5 fois l’eau d’une cuvette.
  • Il existe des kits de procédé Van Dike! Alors pas de panique si vous êtes nuls pour pesez des produits chimiques ou les mélanger. 🙂

Kit Van Dike de chez Disactis à 26,33 euros

Préparation du Van Dike

  • Préparer les solutions

Tout d’abord, vous allez devoir vérifier que vous avez bien tout le matériel. Les produits que vous allez utiliser ne sont pas toxiques, mais peuvent vous tacher (y compris les mains). Utilisez donc des gants quand vous pesez chaque produit. Travaillez plutôt dans une pièce sans lumière du jour et avec une lumière artificielle atténuée.Choisissez préférentiellement de l’eau distillée plutôt que de l’eau du robinet. En effet, l’eau contient des ions comme le NaCl par exemple. Ils peuvent réagir avec les sels d’argent et vous obtiendrez alors des traces noires pas forcément régulières.  Les flacons et le matériel de laboratoire sont aussi disponibles sur Disactis.

Les trois solutions

Solution A

Dans le premier flacon A, ajoutez 30g de citrate de fer ammoniacal et 100 ml d’eau distillée. Pensez à bien étiqueter.

Solution B

Dans le flacon B, ajoutez 5g d’acide tartrique et 100 ml d’eau distillée.

Solution C

Dans le flacon C, ajoutez 10g de nitrate d’argent et 100 ml d’eau distillée.

Mélange des solutions

Munissez vous de votre bouteille de lait vide qui protègera la solution de la lumière UV.

– Prélever le même volume des solutions A et B. Par exemple : 100 ml.
– Incorporer ensuite lentement le même volume de solution C tout doucement.
– Laisser reposer 24 heures avant l’emploi.

Bouteille de lait pour conserver le Van Dike

  • Préparez vos négatifs

Le Van Dyke est un procédé négatif. Vous allez donc devoir imprimer des négatifs de vos images à tirer de la taille que vous désirez sur des feuilles transparentes. Je vous explique comment faire dans le procédé cyanotype. Attention! Comme déjà expliqué dans l’avant-propos, il vous faut absolument des négatifs très très contrastés. Ensuite, il va falloir les retourner horizontalement et inverser les couleurs.

Vous aurez également besoin d’un dispositif pour maintenir fermement le négatif  sur la surface sensible. Pour ma part, j’utilise un cadre photo avec une vitre en verre. Et je rajoute des pinces pour bien maintenir le négatif sur le papier. Cela maintient très bien le négatif bien en contact avec la feuille de papier sensible.

Cadre photo pour maintenir le négatif

  • Préparer le papier sensible

Maintenant, il va vous falloir étaler la solution de Van Dyke avec un pinceau sur vos feuilles de papier. Restez bien dans une pièce à lumière atténuée. Vous pouvez déposer plusieurs couches. Ensuite laisser sécher une nuit en lumière faible. Vous pouvez également utiliser un sèche-cheveux.

Je vous recommande de laisser sécher à l’air libre plutôt qu’au sèche-cheveux car votre solution répandue sera bien plus homogène sur le papier.

Attention, il est important de ne pas envoyer l’air chaud du sèche-cheveux directement sur la surface humide. Cela voilerait les hautes lumières. Réglez l’appareil à basse température et soufflez par l’arrière. Mieux, remplacez le sèche-cheveux par un ventilateur. Attention! Le papier doit être complètement sec, ῝à coeur῎ avant utilisation! Par temps humide, un simple séchage à l’air libre, même prolongé, peut ne pas être suffisant.

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Le Van Dike ne supportera aucun coup de pinceau en trop ou en moins. La surface doit être complètement homogène en solution sensible.Vous avez plutôt intérêt à fixer votre papier sur un support pour qu’il ne gondole pas quand vous donnerez des coups de pinceaux.  Sinon quoi? Une région plus dense se verra inévitablement sur votre tirage, comme sur l’image ci-dessous. Et oui, fatal!

  • Exposez à la lumière

Maintenant que votre feuille est bien sèche, vous pouvez l’exposer avec votre négatif dessus à travers le cadre! En plein soleil, 3 à 5 minutes suffiront largement. Les bords vont devenir orange-marron. Pensez à légèrement sous-exposer. En effet les couleurs prendront en intensité après rinçage à l’eau.

Début de l’exposition

Fin de l’exposition

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Attention, assurez-vous que votre négatif est bien écrasé sur votre feuille de papier sensible! Dans le cas contraire votre image sera moins résolue voire floue à certains endroits. Quel dommage! Regardez les deux images ci-dessous le premier plan de la basilique du Sacré-coeur… 

Retournez maintenant en lumière atténuée et enlever le négatif de votre tirage. Vous obtiendrez votre tirage avec des couleurs allant du orange au marron en passant par le rouge brique.

Il est temps d’enlever le négatif!

  • Rincer le tirage

Maintenant il ne vous reste à rincer à l’eau froide votre tirage jusqu’à ce que l’eau soit claire. Vous pouvez même intensifier ce rinçage si vous trouvez que votre tirage est trop foncé. Votre image devient orange brique. Et vous allez perdre un peu les blancs qui vont devenir orange.

Couleur orange après rinçage à l’eau

Procédé Van Dike après rinçage et avant fixage

Procédé Van Dike après rinçage et avant fixage

  • Fixer le tirage avec de l’hyposulfite de sodium

Sur le site de Galerie photo, il n’est pas précisé de fixer à l’hyposulfite de sodium, mais je vous le conseille quand même. En fonction de la qualité de votre papier et aussi de la qualité de votre mélange photosensible, vous aurez alors un virage foncé très joli! Pour cela, rien de plus simple : plongez votre tirage dans un bain d’hyposulfite de sodium pendant trois minutes.

 

Fixation à l’hyposulfite de sodium du tirage Van Dike

Fixation à l’hyposulfite de soude

Finis les couleurs oranges et bonjour le chocolat. Le virage va être immédiat. Quand vous observez que l’image s’éclaircit sortez la du bain (environ 3 minutes suffisent).

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Ne laissez pas trop longtemps votre tirage, car il va perdre en intensité. Pour exemple, voici deux tirages qui étaient similaires mais l’un d’entre eux à passer plus de temps dans le bain fixateur :

Trois minutes dans l’hyposulfite

10 grosses minutes dans l’hyposulfite

Maintenant, dernière étape : Rincez abondamment votre tirage afin d’éliminer les traces d’hyposulfite de sodium!

Dernier rinçage à l’eau (qui éclaircit légèrement)

En séchant, vos tirages vont retrouver leur densité et tirer plus sur le brun et moins sur le orange, c’est tout à fait normal. Vous obtiendrez des rendus plus sépia et vintage.

  • Et voilà le résultat!

Montmartre – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

Oh c’est moi – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

Lucie – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

JB – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

Le buddha de Kamakura – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

Pour aller plus loin

Il est également possible de faire de très jolies impressions sur toutes sortes de support. Les tissus notamment donnent de merveilleux résultats. A vous d’essayer, ou participez à un atelier pour découvrir les procédés anciens sur tote bag avec Lomography.

Impression Van Dike sur tote bag

Détails du tissu après séchage du sac

Je vous conseille les sites et les vidéos suivantes :

Et le plus grand Van Dyke du monde!