Le procédé Van Dyke

Le port de Calvi – procédé Van Dike – Kit Disactis et papier Bergger 320
John Frederick William Herschel
John Frederick William Herschel

Dès 1842, Sir John Herschel (1792-1871) avait découvert que la lumière pouvait transformer le citrate ferrique  ammoniacal en un état ferreux, et que cela pouvait être mis à profit pour créer des images permanentes par la  réduction d’un sel de métal noble quand il entre en contact avec les sels de fer. Il utilisa ainsi le pigment bleu de Prusse, le mercure , l’or et l’argent, pour mettre au point des procédés qu’il appela respectivement: cyanotypie, amphitypie, chrysotypie et argentotypie  (l’ancêtre du Van Dyke). Mais malheureusement, il ne continua pas ses recherches.

Ce ne fut qu’en 1889 que le Dr. W.W.J. Nicol développa et breveta la Callitypie (à base d’oxalate ferrique) et ses variantes, qu’il appela sans beaucoup d’originalité Kallitype I, II, et III (*: Kallitype en anglais, Callitype en français, du grec καλὸς – beau). Ces variantes faisaient appel à des sels tels que le citrate ferrique de soude, l’oxalate de potassium, l’oxalate ferrique, l’acide oxalique, ainsi qu’à différents produits révélateurs (informations tirées du livre de Christopher James, The Book of Alternative Photographic Processes, third edition, Ed : Cengage Learning).

En 1895, la firme Fabrik Technischer Papiere Arndt und Troost de Francfort breveta un procédé appelé  ῝Braundruckverfahren῎ permettant le tirage d’épreuves de teinte sépia. Ce brevet décrit un mélange de citrate de fer ammoniacal, de nitrate d’argent, d’acide tartrique et de gélatine. Cette formule a connu par la suite de nombreuses évolutions, dans lesquelles on a fini par abandonner la gélatine dès lors que les papiers modernes ont été encollés à la fabrication. En français, on parlera de ῝tirage bistre῎ (LP Clerc), ou tirage sépia.

Autoportrait d'Anton Van Dyck
Autoportrait d’Anton Van Dyck

Il faut noter que l’appellation ῝Brun Van Dyke῎ n’est apparue que bien plus tard, vers la fin des années 1930-début des années 1940. On ne connaît pas l’origine de cette appellation (certains pensent qu’elle fait référence à la palette de couleurs chaudes du peintre flamand Anton Van Dyck). Quoi qu’il en soit, elle est utilisée à tort pour le procédé qui nous intéresse ici, car le procédé ῝Vandyke῎ mentionné dans la littérature du début du 20e siècle visait une technique photo-lithographique pour la réalisation de cartes topographiques. Cette technique fut développée par Frederick Reginald Vandyke qui s’engagea au ῝Survey of India῎ (un organisme de cartographie) en 1889 et termina sa carrière comme directeur du Photo-Litho office en 1923.

Peu à peu, l’appellation ῝Brun Van Dyke῎ est devenu d’utilisation courante; le terme a été défini pour la première fois comme technique photographique fer-argent dans l’Encyclopaedia Britannica de 1961.

Réaliser des Van Dyke est vraiment facile, au moins aussi facile que sa variante : le cyanotype. Le développement s’effectue tout simplement à l’eau et il peut ensuite être fixé à l’hyposulfite de sodium. Le plus compliqué est de trouver les produits chimiques : eau distillée, acide tartrique, citrate de fer ammoniacal et nitrate d’argent (assez onéreux). Vous pouvez les commander sur le site de Disactis pour les procédés anciens. Ensuite, il va falloir vous munir du matériel du petit chimiste : éprouvette graduée, gants, trois flacons fumés et un grand flacon imperméable à la lumière (une bouteille de lait vide fera l’affaire). Vérifiez que vous avez une pièce isolée de la lumière du jour.

C’est quoi le principe?

Le Van Dyke est un procédé POP (Print Over Paper) tout comme le cyanotype, c’est à dire que vous déposez la solution sensible à la lumière sur un papier, un carton ou n’importe quelle surface. Vous ajoutez ensuite un négatif dessus (par exemple une feuille transparente sur laquelle est imprimé une image). On parle de tirage contact. En exposant le tout à la lumière, les zones noires du négatif deviendront claires sur votre papier et les zones claires les zones sombres (procédé négatif à positif). Comme écrit précédemment, la solution de Van Dyke est composé de Fe(III) et de sel d’argent.

Avant-Propos

Tout comme le cyanotype, il va vous falloir choisir les images que vous souhaitez imprimer et ensuite les transformer sur Paint ou Photoshop en négatif (voir plus loin). Voici quelques conseils et erreurs à éviter précifiques.

  • Des négatifs contrastés pour le Van Dike. Contrairement au cyanotype, qui est un procédé apportant beaucoup de contraste à vos tirages, le Van Dike est lui très très doux dans les contrastes. Comment choisir votre photo? Et bien deux possibilités : soit vous choisissez une photo déjà plus contrastée qu’une photo ordinaire, soit vous choisissez la photo que vous voulez mais vous poussez les contrastes sur Photoshop avant d’imprimer votre négatif. Dans tous les cas je vous conseille de faire des essais.
  • Du papier de qualité. Le nitrate d’argent rend ce procédé plus sensible à la lumière que le cyanotype. Préférez des supports papier à fort grammage, 100% coton et neutres afin d’éviter les zones de variations de teinte. Dans le commerce, vous en trouverez des plus ou moins chers en boutique de matériel artistique. A vous de choisir le rendu du papier que vous souhaitez : grain fin, grain torchon, etc. Personnellement je préfère le grain absent.
Papier Bergger 320g disponible chez Disactis 25 feuilles pour 16 euros
  • Propreté. Il faudra rester vigilent sur la propreté des outils, des surfaces de travail car sinon vous verrez apparaître des tâches indélibiles sur vos tirages! Oui oui j’ai testé!
  • Protégez vos mains. Le nitrate d’argent tâche énormément les mains. De plus, l’hyposulfite de sodium est irritant et doit être préférentiellement récupéré dans un bidon de récuprération des déchets.
  • Préférez les pinceaux mousse aux pinceaux à poils.
  • Rincez vos tirages avec délicatesse plutôt qu’au jet d’eau. Dans le cas contraire, vous risquez d’abîmer vos tirages. Préférez changer 5 fois l’eau d’une cuvette.
  • Il existe des kits de procédé Van Dike! Alors pas de panique si vous êtes nuls pour pesez des produits chimiques ou les mélanger. 🙂
Kit Van Dike de chez Disactis à 26,33 euros

Préparation du Van Dike

  • Préparer les solutions

Tout d’abord, vous allez devoir vérifier que vous avez bien tout le matériel. Les produits que vous allez utiliser ne sont pas toxiques, mais peuvent vous tacher (y compris les mains). Utilisez donc des gants quand vous pesez chaque produit. Travaillez plutôt dans une pièce sans lumière du jour et avec une lumière artificielle atténuée.Choisissez préférentiellement de l’eau distillée plutôt que de l’eau du robinet. En effet, l’eau contient des ions comme le NaCl par exemple. Ils peuvent réagir avec les sels d’argent et vous obtiendrez alors des traces noires pas forcément régulières.  Les flacons et le matériel de laboratoire sont aussi disponibles sur Disactis.

Les trois solutions

Solution A

Dans le premier flacon A, ajoutez 30g de citrate de fer ammoniacal et 100 ml d’eau distillée. Pensez à bien étiqueter.

Solution B

Dans le flacon B, ajoutez 5g d’acide tartrique et 100 ml d’eau distillée.

Solution C

Dans le flacon C, ajoutez 10g de nitrate d’argent et 100 ml d’eau distillée.

Mélange des solutions

Munissez vous de votre bouteille de lait vide qui protègera la solution de la lumière UV.

– Prélever le même volume des solutions A et B. Par exemple : 100 ml.
– Incorporer ensuite lentement le même volume de solution C tout doucement.
– Laisser reposer 24 heures avant l’emploi.

Bouteille de lait pour conserver le Van Dike
  • Préparez vos négatifs

Le Van Dyke est un procédé négatif. Vous allez donc devoir imprimer des négatifs de vos images à tirer de la taille que vous désirez sur des feuilles transparentes. Je vous explique comment faire dans le procédé cyanotype. Attention! Comme déjà expliqué dans l’avant-propos, il vous faut absolument des négatifs très très contrastés. Ensuite, il va falloir les retourner horizontalement et inverser les couleurs.

Vous aurez également besoin d’un dispositif pour maintenir fermement le négatif  sur la surface sensible. Pour ma part, j’utilise un cadre photo avec une vitre en verre. Et je rajoute des pinces pour bien maintenir le négatif sur le papier. Cela maintient très bien le négatif bien en contact avec la feuille de papier sensible.

Cadre photo pour maintenir le négatif
  • Préparer le papier sensible

Maintenant, il va vous falloir étaler la solution de Van Dyke avec un pinceau sur vos feuilles de papier. Restez bien dans une pièce à lumière atténuée. Vous pouvez déposer plusieurs couches. Ensuite laisser sécher une nuit en lumière faible. Vous pouvez également utiliser un sèche-cheveux.

Je vous recommande de laisser sécher à l’air libre plutôt qu’au sèche-cheveux car votre solution répandue sera bien plus homogène sur le papier.

Attention, il est important de ne pas envoyer l’air chaud du sèche-cheveux directement sur la surface humide. Cela voilerait les hautes lumières. Réglez l’appareil à basse température et soufflez par l’arrière. Mieux, remplacez le sèche-cheveux par un ventilateur. Attention! Le papier doit être complètement sec, ῝à coeur῎ avant utilisation! Par temps humide, un simple séchage à l’air libre, même prolongé, peut ne pas être suffisant.

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Le Van Dike ne supportera aucun coup de pinceau en trop ou en moins. La surface doit être complètement homogène en solution sensible.Vous avez plutôt intérêt à fixer votre papier sur un support pour qu’il ne gondole pas quand vous donnerez des coups de pinceaux.  Sinon quoi? Une région plus dense se verra inévitablement sur votre tirage, comme sur l’image ci-dessous. Et oui, fatal!

  • Exposez à la lumière

Maintenant que votre feuille est bien sèche, vous pouvez l’exposer avec votre négatif dessus à travers le cadre! En plein soleil, 3 à 5 minutes suffiront largement. Les bords vont devenir orange-marron. Pensez à légèrement sous-exposer. En effet les couleurs prendront en intensité après rinçage à l’eau.

Début de l’exposition
Fin de l’exposition

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Attention, assurez-vous que votre négatif est bien écrasé sur votre feuille de papier sensible! Dans le cas contraire votre image sera moins résolue voire floue à certains endroits. Quel dommage! Regardez les deux images ci-dessous le premier plan de la basilique du Sacré-coeur… 

Retournez maintenant en lumière atténuée et enlever le négatif de votre tirage. Vous obtiendrez votre tirage avec des couleurs allant du orange au marron en passant par le rouge brique.

Il est temps d’enlever le négatif!
  • Rincer le tirage

Maintenant il ne vous reste à rincer à l’eau froide votre tirage jusqu’à ce que l’eau soit claire. Vous pouvez même intensifier ce rinçage si vous trouvez que votre tirage est trop foncé. Votre image devient orange brique. Et vous allez perdre un peu les blancs qui vont devenir orange.

Couleur orange après rinçage à l’eau
Procédé Van Dike après rinçage et avant fixage
Procédé Van Dike après rinçage et avant fixage
  • Fixer le tirage avec de l’hyposulfite de sodium

Sur le site de Galerie photo, il n’est pas précisé de fixer à l’hyposulfite de sodium, mais je vous le conseille quand même. En fonction de la qualité de votre papier et aussi de la qualité de votre mélange photosensible, vous aurez alors un virage foncé très joli! Pour cela, rien de plus simple : plongez votre tirage dans un bain d’hyposulfite de sodium pendant trois minutes.

 

Fixation à l’hyposulfite de sodium du tirage Van Dike
Fixation à l’hyposulfite de soude

Finis les couleurs oranges et bonjour le chocolat. Le virage va être immédiat. Quand vous observez que l’image s’éclaircit sortez la du bain (environ 3 minutes suffisent).

ERREUR A NE PAS COMMETRE! Ne laissez pas trop longtemps votre tirage, car il va perdre en intensité. Pour exemple, voici deux tirages qui étaient similaires mais l’un d’entre eux à passer plus de temps dans le bain fixateur :

Trois minutes dans l’hyposulfite
10 grosses minutes dans l’hyposulfite

Maintenant, dernière étape : Rincez abondamment votre tirage afin d’éliminer les traces d’hyposulfite de sodium!

Dernier rinçage à l’eau (qui éclaircit légèrement)

En séchant, vos tirages vont retrouver leur densité et tirer plus sur le brun et moins sur le orange, c’est tout à fait normal. Vous obtiendrez des rendus plus sépia et vintage.

  • Et voilà le résultat!

Montmartre – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320
Oh c’est moi – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320
Lucie – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320
JB – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320
Le buddha de Kamakura – Procédé Van Dike – Papier Bergger 320

Pour aller plus loin

Il est également possible de faire de très jolies impressions sur toutes sortes de support. Les tissus notamment donnent de merveilleux résultats. A vous d’essayer, ou participez à un atelier pour découvrir les procédés anciens sur tote bag avec Lomography.

Impression Van Dike sur tote bag
Détails du tissu après séchage du sac

Je vous conseille les sites et les vidéos suivantes :

Et le plus grand Van Dyke du monde!

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