Sally Mann

Sally Mann s’expose au Jeu de Paume à Paris du 18 juin au 22 septembre 2019 pour une rétrospective en cinq parties nommée « Mille et un passages ». Photographe américaine née en 1951 à Lexington aux Etats-Unis, Sally Mann réalise des photos à la chambre, essentiellement en noir et blanc sur les thèmes de la famille, la mémoire, l’identité américaine, l’histoire du Sud des Etats-Unis. Elle travaille le collodion sur verre de façon très expérimentale et joue des erreurs des sels d’argent. Elle crée ensuite des épreuves gélatino-argentique ou bien utilise directement les plaques de verre. Son oeuvre se caractérise par un ancrage fort dans sa région natale. Obsédée par sa terre et son passé tumultueux (esclavage et guerre de Sécession), elle explore tour à tour : la candeur des jeux d’enfants et les liens familiaux, les paysages qui conservent les cicatrices du passé et la question du racisme dans le Sud. Bienvenue dans son monde à la fois mystérieux et féerique. Ne loupez pas l’exposition du Jeu de Paume, jusqu’au 22 septembre.

Sally Mann et ses débuts

Sally Mann est née à Lexington dans l’Etat de Virginie, aux Etats-Unis. La pratique de la photographie lui vient de son père qui lui enseigna le grand format sur une chambre 5X7. Elle devient photographe vers 16 ans. Elle est diplômée de la Putney School en 1969, d’un BA de Hollins University en 1974 et d’un MA (Master of Arts) en écriture créative en 1975. Elle commença la photo à Putney avec un nu d’une camarade de classe. Après son diplôme à Hollins, Sally Mann devient photographe pour Washington et Lee University. Au milieu des années 70, elle photographie la construction d’une école de droit (Lewis Hall) et fait sa première exposition solo. Elle publie ensuite son premier livre « Second Sight » (second regard) en 1984 dans lequel elle explore la variété des genres. Elle approfondira le thème avec « At Twelve : Portraits of Young Women » (Aperture, 1988).

A travers ses clichés noir et blanc Sally Mann traite de l’adolescence des jeunes filles avec provocation. Emotions confuses, vulnérabilité, enfance, sexualité, liberté, Mann traite du changement qui opère chez les adolescentes. Dans la photo ci-dessous, Mann raconte que la jeune fille était particulièrement réticente à se rapprocher du petit ami de sa mère pour la photo. Pourtant, c’est leur complicité particulière qui l’avait amené à les associer sur ce cliché. Quelques mois plus tard, la mère de la jeune fille a tué d’une balle en plein visage son petit ami. Au tribunal elle s’est justifié en disant « lorsque je travaillais la nuit à un relais routier, il faisait la fête avec ma fille et la harcelait ».

Sally Mann se fait mondialement connaitre grâce à sa série « Immediate Family« , exposée pour la première fois en 1990 à Chicago puis publiée en 1992 dans une monographie. Le livre est constitué de 65 photographies noir et blanc de ses trois enfants tous âgés d’une dizaine d’années et leur quotidien dans la maison de famille en pleine nature. Les clichés traitent de différents thèmes de l’enfance : les jeux de cartes, les déguisements, les baignades, les siestes…. Mais ils abordent aussi des sujets plus profonds : la solitude, la sexualité, la mort et l’insécurité. A sa sortie, la controverse est immense avec notamment des accusations de pornographie enfantine et de mise en scènes des tableaux. Pat Robertson de Christian Broadcasting Network, un de ses détracteurs disait : « la vente de photographies d’enfants nus pour le profit est une exploitation du rôle parental et je pense que c’est mauvais ». Beaucoup des séries de nus sur l’enfance furent critiqués. 

La famille

De 1985 à 1994, alors qu’ils séjournent dans leur chalet d’été dans la vallée de Shenandoah, Sally Mann photographie ses trois enfants : Emmet, Jessie et Virginia. Elle crée des images qui évoquent la liberté et la quiétude des jours paisibles au milieu de la nature. Baignades nus dans la rivière, déguisements et jeux de cartes. Délaissant la petite chambre, Mann utilise alors une chambre 8X10 pouces (20X25 cm). Ses portraits reflètent la beauté, la sensualité et la tendresse des enfants mais aussi leur colère, leur honte, leur perplexité. Mann métamorphose le quotidien de l’enfance et donne à ces clichés des côtés enchantés. Parfois, elle travaille en collaboration avec ses enfants pour la mise en scène. Plus tard, devenus adultes, les enfants raconteront que ces mises en scènes montées de toute pièce les amusaient et faisaient partie de leurs habitudes.

La terre

Au début des années 1990, Sally Mann cesse peu à peu de photographier sa famille pour se consacrer au paysage environnant. Elle entreprend alors de photographier ces collines, ces forêts et crée des images puissantes. Elle s’évadera ensuite jusqu’en Géorgie, Louisiane et Mississipi : cherchant à montrer comment la terre conserve les cicatrices du passé : guerres, morts, souffrances et injustices.

L’ultime et pleine mesure

La ville de Lexington (Etat de Virginie) est enracinée dans le passé, façonnée par l’histoire de l’esclavage et de la guerre de Secession. Près d’un tiers des batailles de ce conflit ont été livrés dans cet Etat. Mann s’est alors interrogée « La terre s’en souvient-elle? ». De 2000 à 2003, cherchant à répondre à cette question, elle photographie « les recoins ordinaires » des champs de batailles. Elle crée des négatifs à l’aide du procédé collodion humide, en vogue au XIXème siècle. Les imperfections du procédé lui offrent le moyen de suggérer la manière dont la mort « a modelé ce paysage enchanteur et […] fera valoir ses droits sur lui de toute éternité ».

Demeure avec moi, Abide with me

Au début des années 2000, Mann entreprend une réflexion introspective et s’emploie à examiner la manière dont la question raciale, l’histoire et la structure sociale de l’Etat de Virginie ont façonné non seulement le paysage mais également sa propre enfance et adolescence. S’efforçant de franchir « l’abîme apparemment insurmontable entre Blancs et Noirs », elle désire méditer sur le courage dont les Afro-Américains ont fait preuve. Elle réalise quatre séries de photographie : les rivières et les marécages, les Afro-Américains eux-mêmes, les églises, et enfin Virginia « Gee-Gee » Carter (une femme qui a travaillé 50 ans pour la famille Mann).

Ce qui reste

Sally Mann fait observer que c’est aussi la mort qui modèle ce paysage enchanteur. « La mort est l’élément catalyseur d’une appréciation plus intense de ce qui nous est offert ici et maintenant ». Mann achève en 2004 une série de portraits de ses enfants intitulées « Faces » et réalisées en pose longue. Plus tard elle réalise des auto-portraits faisant allusion à la décomposition, à la douleur et au vieillissement. Elle braque également son objectif sur son mari, Larry, atteint d’une forme tardive de dystrophie musculaire. Elle entreprend de saisir les changements dans son apparence physique provoqués par la maladie.

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2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Matatoune dit :

    Merci pour ce partage. Pour moi, cette exposition a été une decouverte époustouflante !

    1. Analog You dit :

      Pour moi aussi ! 🙂

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